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Les Farc et le gouvernement colombien au seuil des négociations de paix

Le gouvernement colombien et les Farc doivent entamer des pourparlers de paix ce mercredi, à Oslo. Si une large majorité des Colombiens soutient cette initiative, nombreux sont ceux qui restent sceptiques sur l'issue des négociations.

Les pourparlers, visant à mettre un terme au plus long conflit armé en cours en Amérique latine, doivent démarrer ce mercredi 17 octobre entre représentants du gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), en Norvège. Les discussions avec les représentants de Bogota, initialement prévues le 15 octobre, avaient été officiellement retardées par des intempéries dans leur pays. Si les trois précédentes tentatives pour mettre fin à la guerre qui fait rage depuis 48 ans se sont toutes soldées par un échec, certains observateurs estiment qu'il existe cette fois des raisons d'être optimiste.

La première cession de ces négociations aurait dû commencer la semaine dernière dans la capitale norvégienne. Mais les autorités judiciaires ont d’abord dû lever les mandats d'arrêt visant les négociateurs de la guérilla. La deuxième phase des pourparlers se tiendra à Cuba, où des réunions secrètes préliminaires ont eu lieu au cours de ces deux dernières années.

Ces discussions vont s’articuler autour de cinq points, a déclaré le président colombien Juan Manuel Santos : des réformes pour aider zones rurales pauvres de Colombie, la possibilité pour les rebelles d’exercer leurs droits politiques après avoir déposé leurs armes, la rupture des liens entre les Farc et le trafic de cocaïne, la facilitation de la réinsertion des guérilleros repentis au sein de la société, et enfin, l’attribution d’une assistance aux familles de victimes qui veulent obtenir des éclaircissements sur les atrocités commises durant le conflit.

Une réunion de "poids lourds"

Selon Daniel Pécaut, directeur d'études à l'EHESS et spécialiste de la Colombie, les discussions précédentes n'avaient jamais été aussi soigneusement préparées ni eu un ordre du jour aussi précis que celles qui se déroulent aujourd’hui. L’expert estime que la souplesse dont ont jusqu’à présent fait preuve les deux parties est un gage de sérieux.

Depuis la dernière tentative de négociation qui a pris fin en 2002, les deux parties ont considérablement évolué et semblent désormais bien engagées dans l'effort actuel visant à trouver une solution, estime Gimena Sanchez, du Washington Office on Latin America (Wola), un groupe de défense des droits de l'Homme, contacté par FRANCE 24. "Le président Santos s’est montré pragmatique, en proposant aux groupes armés un moyen pour sortir de la guerre", explique-t-elle à FRANCE 24. "Les Farc sont affaiblies, elles se sont engagées à ne plus commettre d'enlèvements et ont convenu de participer à ces pourparlers en dehors du pays, ce qu'elles n'avaient jamais accepté auparavant", poursuit-elle.

En outre, les experts jugent que le profil des négociateurs, désignés par les deux camps, est un signe supplémentaire d'un véritable engagement. Le gouvernement envoie un chef d'entreprise de premier plan en plus d'un ancien chef de l'armée et d’un chef de police à la retraite. "Ce sont des poids lourds, qui représentent des franges de la société naguère très opposées à une solution pacifique, note Gimena Sanchez. Leur influence respective pourrait leur permettre de convaincre leurs semblables d’accepter des compromis".

Même si les principaux commandants des Farc ont été éliminés par des frappes militaires au cours de ces quatre dernières années, Gimena Sanchez estime que l'équipe des négociateurs de la guérilla comprend également plusieurs figures éminentes du mouvement marxiste.

Clivage générationnel

Selon Alberto Martinez, professeur de sociologie des médias à l'Universidad del Norte, dans la ville de Barranquilla, la population colombienne est en proie à une sorte "d’épuisement collectif" provoqué par la guerre, la rendant "prête pour la paix". De récents sondages ont en effet démontré que près de 77 % des Colombiens étaient favorables à des pourparlers entre gouvernement et rebelles.

Toutefois, si sur le plan international, ces pourparlers ont été largement salués par l'Union européenne, les Nations unies et la Maison Blanche, les réactions restent plus prudentes à en Colombie, où les échecs des précédentes négociations restent dans toutes les mémoires.

Entre 45 % et 54 % des personnes interrogées pensent que ces tractations seront couronnées de succès, tandis que 41 % d’entres elles restent convaincues qu'elles vont échouer. "Les anciens pensent en général, que la voie de la négociation est la bonne après tant d’années de violence, tandis que les jeunes ont plus tendance à considérer les Farc comme des criminels de droit commun, et ne comprennent pas pourquoi le gouvernement devrait négocier avec des ‘délinquants’", estime Alberto Martinez.

Un accord serait-il synonyme de paix ?

En plus du scepticisme auquel ils devront faire face à leur retour en Colombie, les négociateurs se heurteront assurément à d'autres obstacles sur le chemin de la paix. À commencer par l'absence d'un cessez-le feu. Conscients du fait que les négociations précédentes avaient échoué à cause de la persistance des violences, les observateurs espèrent que les deux parties s’entendront pour conclure une trêve bilatérale dès le début des pourparlers.

Par ailleurs, des parties opposées à un accord de paix pourraient être tentées de torpiller le processus. Parmi celles-ci, explique Daniel Pécaut, des membres du gouvernement colombien, proches de l'ancien président Alvaro Uribe, partisans d’une "solution militaire" pour mater l'insurrection, et du côté rebelle, ceux qui pourraient décider de désavouer le commandement des Farc.

Gimena Sanchez affirme de son côté que la plus grande menace pour la paix reste le trafic de drogue. Soulignant à la fois l’implication des rebelles et des groupes paramilitaires dans ce secteur très lucratif, elle craint qu’ils aient peu de motivation à déposer les armes. "Si un accord politique intervient au terme de ces pourparlers, ce qui serait déjà un exploit, il ne signifiera pas pour autant la fin de la violence, explique Daniel Pécaut. On ne sait pas dans quelle mesure les Farc pourront demeurer un groupe cohérent", conclut-il.