![Mo Yan, écrivain truculent de la Chine contemporaine et prix Nobel de littérature Mo Yan, écrivain truculent de la Chine contemporaine et prix Nobel de littérature](/data/posts/2022/07/17/1658071650_Mo-Yan-ecrivain-truculent-de-la-Chine-contemporaine-et-prix-Nobel-de-litterature.jpg)
Auteur de plusieurs dizaines de romans sur la Chine contemporaine, Mo Yan est le lauréat 2012 du prix Nobel de littérature. Respecté par Pékin et extrêmement populaire en Chine, l’écrivain fait pourtant éclater un humour mordant dans ses œuvres.
Mo Yan, écrivain chinois populaire et prolixe, auteur d’une œuvre de quelque 80 romans, essais et nouvelles, est le nouveau lauréat du prix Nobel de littérature. L’Académie suédoise a salué jeudi 11 octobre sa capacité à "unir avec un réalisme hallucinatoire conte, histoire et contemporain".
Attaché à son terroir - la province du Shandong, dans le nord-est de la Chine -, Mo Yan (Guan Moye de son vrai nom) dépeint avec truculence et facétie les contradictions de la société chinoise. L’écrivain, aujourd’hui âgé de 57 ans, a grandi dans une famille rurale à l’époque de Mao : le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle, années noires de la Chine ponctuées par la famine, la déportation, les emprisonnements arbitraires et les exécutions publiques, ont marqué son enfance et nourrissent sa littérature.
Écrivain très populaire en Chine, sa notoriété internationale a décollé au milieu des années 1980 avec l’adaptation au cinéma du "Clan du Sorgho", porté à l'écran sous le nom "Le Sorgho rouge" par Zhang Yimou. Mélangeant anecdotes familiales, contes et histoire contemporaine, son écriture relève du réalisme magique, dans la veine des Sud-Américains comme Gabriel Garcia Marquez.
Libre mais loyal
Mo Yan est un nom de plume, qui signifie "celui qui ne parle pas", "celui qui se tait". "Pour un pseudonyme littéraire d’un homme qui a écrit plus de 80 ouvrages, c’est une belle ironie", commente Sean Rose, chroniqueur culturel à FRANCE 24. Enfant, Guan Moye est décrit comme taciturne. "Il parlait peu, il était très renfermé sur lui-même", raconte à l’AFP Sylvie Gentil, l’une des premières traductrices de l’auteur aux éditions du Seuil. Encore aujourd’hui, l’homme reste à l’écart des médias et est avare en interviews.
Parmi les contradictions de l’écrivain : son attachement, encore aujourd’hui, au Parti communiste chinois et à ses fonctions d’officier dans l’armée. Mo Yan a pourtant la liberté de décrire avec réalisme et humour les dérives népotiques des caciques corrompus dans les antennes locales du PCC, comme il le fait dans son roman "Grenouilles" (Le Seuil, 2011). "Mo Yan a commencé à écrire et à publier tout en restant dans l’armée, avant de prendre progressivement ses distances et son envol", commente le journaliste de Rue 89 Pierre Haski, qui avait rencontré l’auteur en 2004 à Pékin. "Mo Yan est un homme libre, mais loyal vis-à-vis d’un système dont il dénonce les tares mais qui l’a aidé à sortir de sa condition de misère pour devenir un grand écrivain", ajoute-t-il.
"Très malin"
Mo Yan est respecté par Pékin - le "Quotidien du peuple", organe de presse officiel du parti, lui a consacré dernièrement un article intitulé "Mo Yan recueille des louanges pour ses perspectives historiques" - et ne se plaint pas de la censure - à l’exception de quelques passages du roman "Beaux seins, belles fesses" (Le Seuil, 2004). Pour expliquer sa réticence à soutenir ouvertement les artistes brimés par Pékin, l’écrivain rappelle que son embrigadement dans l’armée l’a préservé de la misère. "Il fait partie de ces paysans de familles illettrées qui ont été plus ou moins sauvés par l'armée", explique la traductrice Sylvie Gentil. Selon Éric Abrahamsen, un expert américain en littérature chinoise interrogé par l’AFP, Mo Yan est un "grand auteur qui rédige le Grand roman de la Chine", tout en étant "très malin quant à ce qui peut ou ne peut pas être écrit".
Mo Yan est le premier écrivain chinois vivant en Chine à recevoir le prix Nobel de littérature avec la bienveillance de Pékin. Avant lui, Il y a douze ans, le Chinois Gao Xingjiang avait déjà reçu le prix Nobel de littérature. Mais cet écrivain est exilé en France depuis les années 1980 et est ignoré des autorités chinoises. Quant à Liu Xiaobo, lauréat 2010 du prix Nobel de la paix, il est toujours derrière les barreaux, purgeant une peine pour "subversion".