Les échanges de tirs qui se poursuivent à la frontière entre la Syrie et la Turquie laissent craindre une escalade de violence dans la région. Selon les analystes pourtant, ni Ankara ni Damas n’ont intérêt à entrer en guerre.
Pour la sixième journée consécutive, lundi 8 octobre, l’artillerie turque a bombardé des positions de l’armée syrienne le long de la frontière entre les deux pays. La veille, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est de nouveau dit prêt à la guerre. "Vous devez être prêt à chaque instant à partir en guerre si nécessaire. Si vous ne l'êtes pas, vous n'êtes pas un État", a affirmé le dirigeant turc alors qu'il se trouvait à Istanbul. "Que disaient nos aïeux ? 'Qui veut la paix, prépare la guerre'", a-t-il ajouté, précisant qu'en cas d'attaque, les représailles seraient immédiates.
L’ONU et l’Otan, redoutant une escalade de violences qui embraserait toute la région, ont appelé les deux voisins à la retenue. Interrogé le 4 octobre, Fabrice Balanche, chercheur spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo), avait alors estimé qu’"aucun des deux pays ne se risquerait dans une guerre". Contacté par FRANCE 24 ce mardi, il maintient cette idée malgré la poursuite des attaques. "Je pense toujours que la Turquie n’a aucun intérêt à mettre le doigt dans l’engrenage syrien, et qu’aucun des deux pays ne veut la guerre", analyse-t-il.
Pour Fabrice Balanche, le pourrissement de la situation et la répétition des tirs syriens créent néanmoins un questionnement. Voici, ci-dessous, plusieurs hypothèses que le chercheur avance pour les expliquer.
• Déloger les rebelles. En premier lieu, il peut s’agir de tirs de l’armée régulière visant des rebelles dans le cadre de combats près de la frontière. Les rebelles se sont en effet emparés, samedi, du village de Khirbet al-Joz, situé à la frontière, et l’armée tente depuis de le reprendre.
• Démasquer la Turquie. L’armée syrienne peut également être en train de tirer sur des rebelles syriens positionnés en territoire turc, peut-être d’ailleurs en réponse à des tirs des rebelles. Ce serait alors pour Damas une façon de montrer à tous que la Turquie héberge des rebelles syriens armés qui préparent des opérations depuis son territoire.
• Scénario libanais. Par conséquent, on peut aussi y voir une stratégie de Damas visant à pousser les autorités turques à venir gérer la frontière et empêcher les rebelles syriens de mener des attaques contre la Syrie. C’est ce qui s’est déjà produit sur la frontière libanaise : en tirant en territoire libanais, la Syrie a poussé l’armée libanaise à réagir et à venir se positionner pour empêcher les attaques des rebelles syriens.
• Stratégie rebelle. Mais est-ce vraiment l’armée syrienne qui tire ? Les rebelles ont affirmé avoir pris plusieurs postes-frontières avec la Turquie et avoir libéré une grande partie du nord de la Syrie. Certains d’entre eux gardent toujours l’espoir de voir l’Occident intervenir en Syrie, ou du moins établir une zone d’exclusion aérienne dans le nord du pays sous l’égide de la Turquie. Peut-être qu’ils tentent de cette façon de provoquer Ankara et de l’amener à intervenir.
Les zones de tensions à la frontière syro-turque