Des chercheurs français ont isolé, dans le venin du serpent mamba noir, un puissant antidouleur aussi efficace que la morphine mais dénué de ses effets secondaires dangereux. Leurs recherches ont été publiées dans la revue britannique "Nature".
La découverte annonce une petite révolution dans le domaine médical. Des chercheurs de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire de l’université de Nice-Sophia Antipolis sont parvenus à isoler une substance antidouleur dont l’efficacité rivalise avec celle de la morphine, mais qui n’aurait que peu d’effets secondaires. Cette molécule miraculeuse a été isolée dans le venin du mamba noir, un serpent africain dont la morsure peut tuer un être humain en moins de 20 minutes. La découverte a été révélée mercredi 3 octobre dans la revue scientifique britannique "Nature".
Les chercheurs ont analysé toutes les composantes de ce venin et ont isolé deux peptides, des sortes de protéines, qui inhibent les substances responsables de la sensation de douleur. "Ces peptides, que nous baptisons mambalgines’, ne sont pas toxiques chez les souris mais démontrent un puissant effet antalgique [au niveau local et sur le système nerveux central], qui peut être aussi fort que la morphine", expliquent Sylvie Diochot et Anne Baron, membres de l’équipe à l’origine de la découverte.
Réduction durable de la sensibilité à la douleur
Les souris auxquelles les chercheurs ont injecté des doses de mambalgine peuvent supporter de l’eau bouillante sur leurs queues et leurs pattes près de deux fois plus longtemps que les animaux non traités. Les chercheurs ont également constaté une réduction durable de la sensibilité à la douleur sur les tissus endommagés, même après qu'ils ont été retirés de l’eau bouillante. En outre, note la revue "Nature", la mambalgine n’entraîne pas, chez les souris, de problème respiratoire, l’un des effets secondaires problématiques de la morphine.
Car la morphine, derrière sa redoutable efficacité analgésique, comporte un certain nombre d'effets plutôt handicapants. Elle provoque notamment de la confusion intellectuelle, des nausées, des maux de têtes, des dépressions respiratoires et des contractions musculaires. Et par-dessus tout, la morphine peut rapidement engendrer une dépendance physique allant jusqu’à la toxicomanie. La mambalgine n’est pas dénuée d’effet de dépendance, mais il reste très en-deçà de celui qu’entraîne la morphine.
Encore beaucoup de tests à faire
Reste cependant un long chemin à parcourir pour que la mambalgine vole la vedette à la morphine dans le milieu médical. "Nous n’en sommes qu’à la toute première étape [de nos recherches], il est difficile d’affirmer dès maintenant que [la mambalgine] aura un effet antidouleur chez les hommes ou pas. Il nous reste beaucoup de tests à faire sur des animaux", modère le docteur Eric Lingueglia, de l’université de Nice-Sophia Antipolis, interrogé par la BBC.
Pour l’heure, la découverte étonne ses auteurs. "C’est incroyable que nous ayons trouvé des analgésiques dans le venin de l’un des serpents les plus venimeux de la planète", s’étonne Anne Baron dans la revue "Nature". Et d'ajouter : "C’est également surprenant que la mambalgine, qui représente moins de 0,5 % de la teneur totale du venin en protéines, ait des propriétés antidouleurs sans aucune neurotoxicité sur les souris, alors que l’ensemble du venin létal du mamba noir est l’un des les plus neurotoxiques du monde".