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Le retour en grâce des Moudjahidine du peuple, opposants impopulaires en Iran

Washintgon a retiré l’Organisation des Moudjahidine du peuple iranien, dirigée par Mariam Rajavi, de leur liste "terroriste". Une décision dénoncée par Téhéran, et qui consacre la collaboration entre le groupe d'opposants et Washington.

Anciens fer de lance de l’opposition au shah, mais également à la République islamique de Khomeini, l'Organisation des Moudjahidine du peuple iranien (OMPI) était inscrite depuis 1997 sur la liste des organisations terroristes établie par les États-Unis. Le groupe d'opposants iraniens ayant renoncé à la violence depuis lontgtemps, Washington a finalement décidé, le 28 septembre, de les radier de ladite liste. Mais pour Thierry Coville, chercheur spécialiste de l’Iran à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), la reconnaissance tardive est vaine, car l’organisation pâtit de son image à l’intérieur de son propre pays.

Le groupe d’opposition a perdu beaucoup de son aura en Iran. " Les Moudjahidine du peuple sont des opposants d’exil et ont perdu toute légitimité en Iran depuis l’épisode de la guerre avec l’Irak, où ils ont mené des opérations contre l’armée iranienne", expliqueThierry Coville. L’"opinion publique iranienne, loin de les considérer comme des opposants, voit en eux des traîtres. Ils ne jouissent plus d’aucune popularité chez les Iraniens, que ce soit dans le pays où parmi la diaspora ", insiste-t-il.

Fondée en 1965 en opposition au shah, l’OMPI, d’obédience marxiste, mène des actions de guérillas urbaines pour ébranler le régime. Après la révolution islamique de 1979 et l’avènement de l’ayathollah Khomeini, l’organisation devient l'élément le plus combatif de l’opposition au régime de la république islamique d’Iran. En 1981, Massoud Rajavi, chef des Moudjahddine, fonde avec d’autres opposants le Conseil national de la résistance d'Iran (CNRI), où se retrouvent les forces d'opposition à la dictature du shah puis au régime théocratique de Khomeini.

Pendant la guerre Iran/Irak (1980-1988), les Moudjahidine s’installent en Irak où ils créent l’Armée de libération nationale d’Iran (ALNI) en 1986 et mènent des opérations contre leur pays. En 1988, Khomeini émet une fatwa ordonnant l’exécution des membres de l’organisation. Installée en France, l’OMPI est dirigée par Mariam Rajavi, l’épouse de Massoud Rajavi.

À l’annonce de la nouvelle de son retrait de la liste des organisations terroristes, le groupe, dont le siège est basé en banlieue parisienne à Auvers-sur-Oise, a salué dans une communiqué une "décision juste".

"Mme Maryam Rajavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance pour la période de transfert de la souveraineté au peuple iranien, s'est réjouie" de la décision de la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton", indique le texte. "Nous espérons pouvoir nous faire davantage et mieux connaître, ainsi que nos objectifs, à la communauté internationale et au peuple américain".

Lobbying et collaboration avec les services secrets américains

Selon Thierry Coville, plusieurs éléments expliquent le changement de position américain. Les tensions entre les États-Unis et l’Iran, sur son programme nucléaire, n’y sont pas étrangères. " Le fait que les États-Unis déclarent les Moudjahidine du peuple désormais fréquentables, n’est pas anodin à l’heure où Washington et Israël érigent l’Iran comme le grand ennemi planétaire ", fait d’abord remarquer le chercheur.

En outre, cela fait longtemps que l’OMPI cherche à redorer son image. Inscrite en 1997 en tant qu’organisation "terroriste" aux États-Unis, elle a, depuis plusieurs années, renoncé à la violence et activement collaboré avec les services secrets américains.

" Les Moudjahidines ont collaboré efficacement avec les services secrets américains en donnant des informations glanées de leurs contacts dans le pays sur le programme nucléaire iranien, mais encore aujourd’hui sur l’aide de l’Iran à Bachar al-Assad ", explique encore le chercheur.

Thierry Coville remarque également que la décision de l’administration américaine est le fruit d’une véritable politique de communication de l’organisation d’opposition iranienne. "Les Moudjahiddine ont fait beaucoup de lobbying, et de façon peu conventionnelle : ils ont payé des responsables des services de sécurité américain pour témoigner en leur faveur. Rudoph Guliani, l’ancien maire de New York, par exemple qui était présent à leur dernier Congrès à Paris, était payé pour s’exprimer à la tribune ", révèle Thierry Coville.

La décision du département d’État américain de retirer les Moudjahidine du peuple de la liste des organisations terroristes coïncident enfin avec l’évacuation, quasiment achevée et réclamée par l'ONU et les États-Unis, du camp d’Achraf, au nord de Bagdad, que les Moudjahidine occupaient depuis des années.