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Soupçons de paris truqués : comment la Française des Jeux gère-t-elle les paris sportifs ?

Concernée au premier plan par l’affaire des paris présumés truqués qui éclabousse des joueurs du club de handball de Montpellier, la Française des Jeux explique à FRANCE 24 comment fonctionne les paris sportifs.

La Française des Jeux (FDJ), opérateur de paris sportifs depuis 1985 qui bénéficie d’un monopole dans sa distribution dans les différents points de vente de l’Hexagone, a été la première à donner l’alerte le 12 mai lors du match de handball opposant Cesson-Sévigné à Montpellier.

Surpris par les faits relatés depuis hier. J'attends, comme tout le monde, d'en savoir plus. #paristruqués

— Jérôme Fernandez (@JrmeFernandez) Septembre 26, 2012

Des sommes "inhabituelles" avaient en effet été détectées sur les paris de ce match avec des mises de l’ordre de 70 à 90 000 euros pour un gain de plus de 200 000 euros. Une enquête préliminaire puis une instruction judiciaire ont été ouvertes. Les soupçons de la police se portent sur les épouses ou concubines de plusieurs joueurs.

Depuis, la Française des Jeux est restée très discrète. Un responsable de l’opérateur français historique, qui souhaite garder l'anonymat, explique à FRANCE 24 comment la FDJ gère les paris sportifs.

FRANCE 24 : Comment évaluez-vous les cotes des matchs ?

Nous avons une trentaine de coteurs en France, des généralistes et des spécialistes qui analysent chaque match. Ils étudient le niveau de la compétition, la période du championnat à laquelle se dispute la rencontre, les enjeux… En revanche, nous ne nous soucions pas de savoir qui sera sur le parquet ou non !

C’est donc en partie pour cela que, dans l’affaire des paris suspects concernant le club de Montpellier, la cote "Cesson mène à la mi-temps" était aussi élevée (2,90) alors que 5 titulaires héraultais ne jouaient pas ?

Pour ce match, il faut savoir que la cote médiane à la mi-temps était de 2,90. Parmi tous les autres opérateurs de paris, la cote oscillait entre 2,7 à plus de 3. Il y a toujours un consensus au niveau des cotes chez les différents opérateurs quelque soit le match. De notre côté, nous avons une posture médiane.

Quel est le profil de ces coteurs ?

Il faut savoir que les coteurs spécialisés ne sont pas d’anciens sportifs, mais ce sont des passionnés de sport . Ils connaissent sur le bout des doigts les différents championnats et compétitions. Ils bénéficient d’une expertise forte sur leur sport. Nous avons également un second type de coteurs, des coteurs au profil de trader/boursier, spécialiste des plates-formes de cotations.

Comment détectez-vous des paris qui vous semblent suspects ?

Des paris pas très clairs

Entre 70 000 et 90 000 euros auraient été misés chez des détaillants de la FDJ par l’entourage de plusieurs joueurs héraultais, le matin du match Cesson-Sévigné - Montpellier. Des mises allant toutes dans le même sens : Cesson, 8e, menant à la mi-temps face à Montpellier, 1er déjà sacré champion de France. Les gains des parieurs sont estimés à plus de 200 000 euros. 

Pour une rencontre de football, les mises oscillent entre 10 000 à 100 000 euros par match alors que pour du handball les mises sont de l’ordre de 100 euros à quelques milliers d’euros. De plus, il faut savoir que tous sports confondus, 80 % des paris se font généralement sur l’issue d’une rencontre (victoire, défaite, match nul) ; moins de 10% concernent le score à la mi-temps. Enfin, la majorité des mises se font sur le favori.

Nous savons également que les paris sont progressifs sur la semaine précédant une rencontre. Nous possédons un véritable portrait-robot des répartitions géographiques concernant les potentiels gagnants. Généralement, les gagnants se situent dans les deux villes concernées par le match et, en élargissant, les régions concernées par la rencontre.

C’est donc pour cela que vous avez décidé de fermer dans l’après-midi du 12 mai cette rencontre aux paris, lorsque que vous avez pris connaissance des mises inhabituelles ?

Nous érigeons la vigilance et la précaution en règles de conduite. Si nous avons un faisceau de présomptions, nous alertons la police (le Service central des courses et jeux quand cela concerne les revendeurs en points de vente ou l'Autorité de régulation des jeux en ligne quand cela concerne Internet, ndlr). Comme pour une banque, lorsqu’il y a des mouvements de fonds suspects, les autorités compétentes sont saisies.

Comment cela se passe-t-il une fois que les autorités sont saisies ?

Nous communiquons les éléments dont nous disposons aux enquêteurs sur réquisition judiciaire. Il faut savoir que chez un détaillant de la FDJ, le parieur ne peut miser que 100 euros par bulletin. Et si le parieur enregistre une série de bulletins similaires, alors le buraliste peut contacter directement la FDJ pour acceptation. Une enquête peut également être menée a posteriori. De même, en cas de gain supérieur à 500 euros, le gagnant doit obligatoirement donner son nom et son prénom.

Au quotidien, comment se traduisent vos actions en matière de sécurité ?

Nous possédons 10 inspecteurs, anciens policiers et anciens gendarmes, et nous nous appuyons sur la vigilance des coteurs. Notre sécurité est active 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La sécurité et l’intégrité des paris sont l’épine dorsale de la Française des Jeux, c’est pourquoi nous avons une surveillance très forte et continue. Nous travaillons au quotidien pour toujours améliorer la sécurité. Nous sommes même pilotes sur les projets de sécurité au niveau international.

Vous êtes actuellement en partenariat avec la Fédération française de handball. Cette affaire est-elle de nature à remettre en cause cet accord ?

La Française des Jeux est effectivement partenaire de la Fédération de handball, mais nous avons toute confiance en elle. Il n’est pas question aujourd’hui de remettre notre partenariat en cause.