logo

Au Louvre, les arts de l’Islam font de la politique

Samedi, le musée du Louvre ouvrait au public son tout nouveau département des arts de l’Islam, la plus grande collection d’œuvres islamiques présentée en Europe avec près de 3 000 pièces exposées.

On connaissait le mystérieux sourire de la Joconde et l’impeccable beauté de la Pyramide. Désormais, le Louvre s’illustre aussi par sa collection des arts islamiques. Samedi 22 septembre, le plus grand musée du monde a ouvert au public les portes d'un nouveau département aux couleurs de l’Islam. Après être passé entre les mains de trois présidents de la République, ce projet a été inauguré mardi 18 septembre par François Hollande. Au passage, le Louvre dévoile une verrière aux allures de voilure, sa plus importante innovation architecturale depuis la construction de la Pyramide en 1989.

Au départ, il y avait le souhait d’exposer une riche collection des arts de l’Islam dont disposait le Louvre mais qui n’avait jusqu’à présent pas trouvé sa place. Mais le projet revêt également une motivation politique. Pour Sophie Makariou, la directrice du département, "redonner sa grandeur à l’Islam et ne pas le laisser aux djihadistes et à ceux qui le salissent est fondamental". Des mots qui résonnent dans l’actualité, alors qu’à quelques mètres du musée les forces de l’ordre étaient sur le qui-vive samedi à Paris, alertées par des appels à manifester contre la diffusion d’une vidéo anti-islam et des caricatures publiées par l’hebdomadaire "Charlie Hebdo".

Un brassage culturel et religieux

De l’Inde à l’Espagne en passant par l’Iran, les 3 000 pièces exposées (sur un total d’environ 18 000, les œuvres étant soumises à un système de rotation) ont toutes en commun l’alphabet arabe. Cependant, la collection, encadrée par la verrière de l'architecte Mario Bellini et les murs de béton noir pensés par Rudy Ricciotti, ne se limite pas aux arts religieux. Ici, l’Islam s’écrit avec un grand "i" et s’entend alors comme une civilisation, forte de plusieurs croyances et tendances.

L’exposition permanente montre une grande diversité, un brassage culturel et religieux qui retrace 1200 ans d’histoire. La collection est présentée chronologiquement et parcourt différentes zones géographiques. Un mur fleuri de céramique ottomane côtoie des poignards moghols au manche en tête de cheval. Plus loin, le "Lion de Monzon", statuette en bronze originaire d’Espagne, ouvre grand sa gueule, prêt à engloutir les idées reçues des visiteurs.

Tordre le cou aux clichés

Pour Houriya, Aïda et Huma, trois étudiantes en visite dans le musée, l’ouverture de ce nouveau département est une forme de reconnaissance. "Grâce au Louvre, on redécouvre la richesse de l’art islamique. Tant de clichés circulent sur l’Islam. C’est comme si les gens mettaient un voile sur la religion." Un voile, elles en portent chacune un. Pour elles, c’est un choix. "Intégriste, islamiste, salafiste... On n’entend plus que ça, des mots avec des suffixes en iste !", s’indignent-elles.

La représentation de l’Islam en France est devenue un sujet politique et la direction du département d’arts a pris un parti clair : celui de montrer la complexité de la civilisation islamique. En sillonnant les allées du musée, des porcelaines affichant des personnages souriants remettent en cause l'idée reçue selon laquelle la représentation des visages est interdite par le Coran. Plus loin, des coupes à vin datant du XVe siècle laissent, elles aussi, certains visiteurs perplexes. À cette époque, l’alcool était considéré par les adeptes du soufisme comme un moyen d’accéder à l’extase divine.

Initié par Jacques Chirac, le projet aura mis huit ans à voir le jour et coûté près de 100 millions d’euros. Plus de la moitié du financement provient de contributions extérieures, dont celles du roi Mohammed VI du Maroc, de l'émir du Koweït, du sultanat d'Oman ou encore de la république d'Azerbaïdjan.