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Plus de trois cents officiers turcs lourdement condamnés pour complot

Accusés par la justice depuis décembre 2010 d'avoir comploté pour renverser le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir en Turquie, plus de trois cents officiers de l'armée ont écopé vendredi de lourdes peines de prison.

La justice turque a lourdement condamné vendredi plus de 300 officiers accusés d'avoir comploté pour renverser le gouvernement islamo-conservateur, le premier verdict d'une série de procès controversés dénoncés par l'opposition comme une chasse aux sorcières.

La cour de Silivri, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Istanbul, a infligé au "cerveau" du complot, l'ex-général Cetin Dogan, ancien commandant de la 1ère armée, et aux anciens chef de l'armée de l'air et de la marine, Ibrahim Firtina et Özden Örnek, des peines de vingt ans de prison.

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Les explications à Istanbul du journaliste Jérôme Bastion
Plus de trois cents officiers turcs lourdement condamnés pour complot

Devant les yeux ébahis de la foule des parents des accusés, elle a condamné 78 officiers à dix-huit ans et 246 autres à seize ans de réclusion. Vingt-huit d'entre eux ont vu leur sentence réduite à douze ans pour bonne conduite.

Tous ont été reconnus coupables, à des degrés divers, de "tentative d'empêcher par la force l'action du gouvernement de la République", une peine passible de la prison à vie mais qui a été réduite car le crime, indépendamment de la volonté des accusés, n'a pas pu être réalisé, a indiqué la cour.

La plupart des accusés sont par ailleurs interdits à vie d'activité dans le secteur public. Trente-quatre prévenus ont été acquittés.

La lecture, nom après nom, du verdict, a été écoutée dans un silence de mort à peine entamé par quelques sanglots étouffés d'épouses et de filles d'accusés, la cour ayant prévenu qu'elle serait contrainte de l'interrompre en cas de débordements.

A la fin du prononcé en revanche, les juges ont été copieusement hués tandis que les accusés saluaient leurs familles, certains le poing levé, et que des bouteilles d'eau fusaient du public en direction de la cour. Hors de la salle, des secouristes sont intervenus pour calmer des femmes en pleine crise de nerfs, au milieu des hurlements.

Au total, 365 officiers d'active ou à la retraite, dont plusieurs anciens chefs d'armée et de corps d'armée, étaient poursuivis depuis décembre 2010 pour leur participation à un complot dont le nom de code est "Masse de Forgeron". 250 d'entre eux étaient en détention provisoire.

Selon le jugement de la Cour, cette conspiration avait pour objectif de chasser le Parti de la justice et du développement (AKP) du pouvoir auquel il venait d'accéder un an plus tôt. Elle prévoyait une série d'attentats destinés à semer le chaos en Turquie et à justifier une intervention de l'armée.

Mais les inculpés ont tous contesté cette version des faits, prétendant que le plan incriminé n'était en fait qu'un scénario pédagogique comme l'armée en produit souvent, et ont dénoncé l'utilisation de fausses preuves pour les jeter en prison.

Ce procès est la plus retentissante des procédures pour complot qui émaillent depuis 2007 la vie judiciaire turque, car il attaque frontalement une armée jusque-là intouchable, gardienne autoproclamée de la laïcité dans un pays à la population très majoritairement musulmane.

Avant même le verdict très lourd rendu vendredi, ces dossiers ont été dénoncés dans les milieux pro-laïcité comme une chasse aux sorcières visant à faire taire l'opposition et faciliter l'islamisation en catimini du pays.

Pour les milieux pro-gouvernementaux, généralement conservateurs et religieux, les procès de ces dernières années constituent en revanche une avancée majeure vers la démocratisation de la Turquie et le respect de l'Etat de droit par une armée responsable de quatre coups d'Etat en un demi-siècle.

Les condamnés peuvent encore déposer un recours devant la Cour de cassation.

AFP
 

Tags: Turquie, Justice,