
La société américaine Rethink Robotics vient de dévoiler Baxter, le premier robot humanoïde low-cost à destination des petites et moyennes entreprises. Une solution qui contribuerait, selon le constructeur, à lutter contre les délocalisations.
La solution au problème de délocalisations de milliers d’emplois américains pourrait venir de la robotique. Du moins en partie. C’est en tout cas l’intime conviction de Rodney Brooks, PDG de Rethink Robotics et figure majeure de la robotique américaine, qui a dévoilé mardi son nouveau bébé humanoïde prénommé Baxter.
Ce robot - un buste en métal muni de deux bras articulés, de pinces et d’une sorte de tablette tactile en lieu et place de la tête - est l’un des premiers à pouvoir s’insérer dans une ligne de production en se mélangeant à des ouvriers en chair et en os. Contrairement à la plupart des autres robots industriels il se meut très lentement, il est équipé de capteurs de mouvements et ne pose, de ce fait, pas de risque majeur pour la sécurité des employés qui trouveraient à proximité. Baxter peut effectuer, avec plus de précision qu’un humain et sans risque d'erreur, des tâches simples comme coller des morceaux de plastiques ou assembler du petit matériel.
La promesse de ce robot : permettre aux entreprises américaines de devenir plus compétitives face à leurs concurrentes basées dans des pays à faible coût de main d’œuvre. Elles n’auraient ainsi pas besoin de s’installer en Chine ou en Thaïlande et sauvegarderaient des emplois aux États-Unis.
Pourtant, jusqu’à présent les 1,2 millions de robots utilisés dans l’industrie mondiale, recensés par l’International Federation of Robotics (IFR) fin 2011, n'ont pas empêché la question des délocalisations de s'imposer de façon persistante dans la campagne électorale américaine.
Prix choc
Pour Rodney Brooks, les robots ne pourront participer à éviter les délocalisations que s’ils deviennent accessibles aux petites et moyennnes entreprises (PME). D’où son idée choc : proposer un prix chic. Baxter, qui doit être commercialisé à partir du mois d'octobre, sera vendu à seulement 22 000 dollars pour une durée de vie de 6 500 heures (il revient alors à 3,4 dollars de l’heure) alors "qu’un robot industriel peut très vite coûter plusieurs centaines de milliers d’euros", reconnaît Gudrun Litzenberger, secrétaire général de l’IFR.
Mais le prix d'achat n’est pas le seul obstacle à surmonter pour Rethink Robotic. Les robots industriels doivent également d’être proprement configurés pour pouvoir effectuer leurs tâches et nécessitent souvent un suivi informatique. Ces interventions d’ingénieurs en amont et en aval ont aussi un coût qui pourrait s'avérer rédhibitoire pour les PME.
Là encore, Rodney Brook pense avoir la solution. Il suffit en effet de montrer à Baxter les mouvements à faire pour que ses capteurs les enregistrent et qu’il soit capable de les reproduire. "C’est un peu un moment Macintosh pour la robotique", s’enflamme, dans le "New York Times", Tony Fadell, un informaticien qui a travaillé pour Apple, en faisant référence à l’aspect grand public du premier ordinateur personnel de la marque à la pomme. "Cela ressemble en effet à une solution parfaitement adaptée aux petites entreprises", confirme Gudrun Litzenberger.
Reste l’obstacle psychologique, probablement le plus difficile à surmonter. Baxter risque en effet de raviver le syndrome "I, Robot", du nom de ce film sorti en 2004, dans lequel des légions de robots remplacent les ouvriers dans les usines. Pas facile, en effet, d’expliquer qu’un robot qui ne coûte que 3, 4 dollars de l'heure ne soit pas une menace pour l’emploi d’un salarié, dans un pays où le salaire minimum varie, selon les États, entre 7, 25 dollars et 9 dollars de l'heure.
Rêves de "roboticophiles"
"Dans l’état actuel de la recherche et même avec des robots comme Baxter, "I, Robot" demeure de la pure science-fiction”, assure à FRANCE 24 Corinna Noltenius, spécialiste allemande en robotique, qui a participé au projet européen SMErobot sur les applications industrielles des robots entre 2005 et 2009. "Il y a, et il y aura encore pendant des décennies, besoin d’un être humain pour superviser le travail du robot", confirme-t-elle.
Surtout, selon elle, Baxter est censée dégager du temps aux ouvriers qu'ils se concentrent sur des tâches plus complexes et encore hors de portée du robot. Ce qui permettrait, au final, d’améliorer la qualité du produit.
Qui plus est, selon un rapport de février 2011 publié par l’International Federation of Robotics en Allemagne, le recours aux robots industriels pourraient créer plus d’un million de nouveaux emplois dans le monde d'ici à 2016. "L’idée est qu’en sauvant des entreprises de la faillite ou de la délocalisation, ces robots contribuent à l’activité économique générale", explique à FRANCE 24 Gudrun Litzenberger.
Mais Baxter doit encore faire ses preuves pour devenir la solution miracle tant attendue par les "roboticophiles". L’approche low-cost de Rethink Robotic a obligé l’entreprise à serrer au maximum les coûts en n’utilisant pas forcément les matériaux les plus solides. "Avant de m’extasier j’attendrais quand même de voir s’il fonctionne correctement sur le moyen et long terme", prévient Gudrun Litzenberger. Pas sûr, en effet, que si Baxter montre des limites trop flagrantes à l’usage, les PME voient vraiment, dans la robotique, leur nouvel eldorado.