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Bernard Arnault, l'empereur du luxe, contre-attaque

Le patron de LVMH a décidé de porter plainte contre le quotidien Libération et sa une choc "Casse-toi riche con !", évoquant sa demande de naturalisation belge. Retour sur le parcours de l'homme le plus riche de France.

"Je suis et je resterai fiscalement domicilié en France et, à ce titre, je remplirai, comme tous les Français, l'ensemble de mes obligations fiscales". Bernard Arnault sort enfin de son silence. À quelques heures de l’intervention de François Hollande sur TF1, dimanche 9 septembre au soir, le patron de LVMH se fend d’un communiqué de presse dans lequel il récuse toute interprétation politique de sa demande de naturalisation belge.

L’intervention du PDG ne suffira pas à endiguer le flot des critiques que suscite sa démarche. Des critiques qui viennent écorner l’image lisse de ce businessman français. Que sait-on réellement de ce sexagénaire à la tête de la première fortune de France ? Portrait de cet homme discret qui étonne autant qu’il dérange.

De la PME familiale de Roubaix à la septième fortune mondiale

Comment ce père de cinq enfants, à la tête de la septième plus grande fortune mondiale, a-t-il fait pour bâtir son royaume ? Une réussite qu’il doit à son talent des affaires, diront ses amis. D’autres parleront de son formidable instinct de prédateur. Né le 5 mars 1949 dans une famille bourgeoise d’industriels de Roubaix, Bernard Arnault est un enfant "solitaire et mélancolique", à en croire Airy Routier, journaliste au "Nouvel Observateur", auteur d'une biographique au titre évocateur "L’ange exterminateur".
 

Très bon élève, la petite tête blonde passe sans difficulté du lycée Maxence Van der Meersch de Roubaix aux classes préparatoires du lycée Faidherbe à Lille avant d’intégrer l’école Polytechnique. Son diplôme en poche en 1969, le jeune Bernard revient pour travailler dans l’entreprise familiale de BTP, Ferret-Savinel. Aux côtés de son père Jean, normalien, il fait ses premières armes dans la société, gravit un à un les échelons jusqu’à en prendre la tête. Du statut de directeur de la construction de 1974 à 1977, il obtient le poste de directeur général et succède finalement à son père en tant que PDG de la société à l'âge de 29 ans. En 1976, le jeune homme avait enjoint son père de vendre, pour 40 millions de francs, le secteur bâtiments industriels et travaux publics de l'entreprise. Il convertit alors la société rebaptisée Férinel, dans la promotion immobilière. "Férinel, propriétaire à la mer...", la nouvelle société est spécialisée dans les appartements de tourisme. La carrière de l’homme d’affaire est lancée.
 
L’aventure américaine
Aujourd'hui tenté par la Belgique, Bernard Arnault n’en est pas à sa première envie d'exil. En mai 1981, avec l’avènement de François Mitterrand à la présidence de la République, le jeune entrepreneur français quitte l'hexagone pour les États-Unis, plus proche de son idéal capitaliste.
 
Il y lance Ferinel Inc. Sans grand succès, le jeune loup met un terme à son aventure américaine quatre ans plus tard, attiré par le luxe français. Ironie du sort, c’est finalement grâce au soutien de la gauche française - par le biais d'aides publiques et de crédits bancaires facilités auprès du Crédit lyonnais - que Bernard Arnault, promettant de sauvegarder les emplois, rachète la firme Boussac Saint Frère, fleuron du textile dans le Nord et propriétaire de la marque Christian Dior ainsi que de l’enseigne Le Bon Marché à Paris. Un plan de restructuration plus tard, le PDG ne garde que la marque Christian Dior et le magasin Le Bon Marché qui deviendront les emblèmes de son empire du luxe. Une acquisition à la hussarde de 40 millions de francs qui fera du patron français l'heureux propriétaire d'une société de huit milliards de francs.
 
La guerre du luxe
Dans les années 90, l'homme multiplie les acquisitions, profite d’offres publiques d’achat (OPA) hostiles et des aléas du marché. Sollicité en 1989 pour sauver le groupe LVMH, Bernard Arnault réussit à en devenir l’actionnaire majoritaire. Il acquiert ainsi, entre autres marques de luxe, Louis Vuitton, Kenzo, Guerlain, Givenchy, Chaumet, Moët & Chandon, Krug...
 
L’homme à la réussite professionnelle exceptionnelle, passionné d’art et de tennis, cache une part beaucoup plus sombre de son personnage. Décrit comme un guerrier de sang-froid, le patron ne recule devant rien pour parvenir à ses fins, pas même devant les trahisons et les crimes de lèse-majesté. Dans son livre, le journaliste Airy Routier affirme que le PDG de LVMH fait systématiquement appel aux services de renseignements de Kroll Associates pour obtenir des informations d’ordre professionnel ou privé capables d'affaiblir ses concurrents ou ceux susceptibles de le devenir. Tous les moyens sont bons, y compris la fouille des poubelles.
 
Gare à celui qui viendrait chasser sur ses terres ! Le milliardaire français enrage lorsqu’il apprend que son ennemi juré, François Pinault, fait son entrée dans le capital de Gucci. Soucieux d'asseoir sa suprématie dans un autre secteur que le luxe, le patron de LVMH absorbe des centaines de start-up dans le secteur de l’Internet pour passer sa colère.
Cynique et doué dans les affaires, Bernard Arnault a trouvé dans l’art contemporain un moyen de s’acheter une image plus noble. Il se fait alors mécène et souhaite, grâce à la fondation LVMH, "faire rayonner la culture et faire rayonner la France dans le monde". Rivaliser avec les pouvoirs publics : le dernier luxe que s'offre l'homme d'affaire.