Depuis les premières heures de la répression menée par le régime de Damas, de nombreux Syriens ont pris la caméra pour raconter en images le quotidien d'une guerre qui reste inaccessible à la majeure partie des médias occidentaux.
Jour et nuit, ils filment les bombardements, la destruction des villes, le déplacement des réfugiés. Ces six journalistes citoyens basés dans la province de Homs enregistrent la tragédie quotidienne vécue en Syrie depuis le début du conflit. "Si je ne filme pas, personne en dehors de mon pays ne saura ce qui se passe ici", commente Trad, l’un d’entre eux.
Cette équipe fait partie d'un réseau d’activistes qui couvrent la guerre civile à travers tout le pays. À l’origine simples militants, ces reporters de circonstance ont choisi la caméra pour filmer la répression menée par le régime de Damas contre sa population. "Avant la révolution, il était totalement impossible de créer un centre de presse, de publier la moindre photo ou de diffuser la moindre vidéo contre les autorités. La police secrète contrôlait tout et le régime avait des informateurs partout", explique Hussein.
Du téléphone portable à la HD
Il y a un an, ils se contentaient de mettre en ligne des vidéos de 30 secondes filmées depuis un téléphone portable. Aujourd’hui, ils réalisent des reportages en haute définition (HD) pour des médias comme Orient TV, chaîne satellitaire de l’opposition.
En l'absence de reporters étrangers qui rencontrent beaucoup de difficultés à entrer en Syrie, leur travail fait office de source d’informations non négligeable pour les médias occidentaux. Des journalistes en herbe estiment certains, des activistes au service de l’Armée syrienne libre (ASL) diront d'autres. "Ces journalistes sont tous acteurs de la crise syrienne", rappelle Selim El Meddeb, correspondant dans la région pour France 24. Mais ils restent très attachés à leur conscience journalistique. Trad a gardé la caméra au poing alors que son frère était en train d’être transféré à l’hôpital, agonisant."
Une quarantaine de journalistes tués
Dans le flot de vidéos diffusées sur Internet, il y a pu y avoir certaines manipulations ou erreurs journalistiques, note toutefois Selim El Meddeb. Je pense notamment aux images montrant des corps d’enfants alignés prétendument prises à Homs et qui se sont avérées avoir été filmées en Irak. Mais la majorité des informations est authentique."
Ces journalistes du Net s’emploient à "crédibiliser" leurs vidéos en y apportant de nombreux éléments factuels, affirme Selim El Meddeb. Lors de bombardements, les caméramans filment les corps en enregistrant le nom des victimes, la date et le lieu du décès.
Un travail qui n’est pas non plus sans risques. Un des membres de l’équipe a été capturé par des militaires. "Ils l’ont tué et lui ont arraché un oeil, raconte Shamsoo. Le message est clair : on arrache les yeux des caméramans". Selon l’organisation non gouvernementale Reporters sans Frontières, 28 journalistes citoyens et 9 journalistes professionnels ont perdu la vie en Syrie depuis le début de l’année.