
L’Iran brandit régulièrement la menace de bloquer le détroit d’Ormuz, par lequel transite 40 % de la production mondiale de pétrole. Les Émirats arabes unis ont donc choisi de construire, à grands frais, une voie alternative.
Un port industriel tout neuf et un oléoduc de près de 400 km : les Émirats arabes unis (EAU) sont prêts à tout pour contourner le détroit d’Ormuz. Lorsque ce projet pharaonique sera achevé, la menace d’un blocage iranien ne pèsera plus sur les millions de barils émiratis qui transitent, tous les mois, par l’étroit passage qui sépare Oman de l’Iran, et le Golfe persique de la mer d’Oman.
Il devrait voir le jour en 2010 et permettra l’exportation de 60 % à 70 % de la production pétrolière d’Abou Dhabi, selon le capitaine Moussa Mourad, à la tête du nouveau port de Foujairah. À lui seul, l’émirat produit 90 % du pétrole émirati.
Il est prévu que ce pipeline, d’une longueur exacte de 370 km, achemine 1,5 million de barils par jour (b/j) depuis le champ pétrolifère de Habshan. L'or noir passera dans un seul tuyau d’un diamètre d’environ 122 cm.
Le projet global comprend l'oléoduc, le nouveau port pétrolier de Foujairah, ainsi que des plateformes maritimes de chargement. Le port de Foujairah pourra également servir à exporter les ressources pétrolières d’autres pays du Golfe, s'ils prennent le soin d’installer des pipelines pour y acheminer leur production.
L’Arabie saoudite avait cherché, bien avant les Émirats, à contourner le passage d’Ormuz, grâce, notamment, à un oléoduc qui achemine son pétrole vers la mer Rouge. Sa capacité a été renforcée en 1990.
Une menace récurrente et « réaliste »
Selon Francis Perrin, directeur de la rédaction de la revue "Pétrole et gaz arabes", "ces mesures ont pour effet de réduire les éventuelles nuisances liées aux menaces iraniennes".
La crainte de voir l’Iran fermer le détroit est devenue réelle en 1984, lors de la guerre Iran-Irak, où l'on a vu le conflit s’étendre aux eaux du Golfe.
La tension est montée à plusieurs reprises, et notamment en 2008, dans la région. Alors qu’en janvier un incident a lieu entre des navires américains et la marine iranienne, en octobre, l’armée iranienne installe une nouvelle base navale à l’est du détroit stratégique afin de pouvoir se défendre en cas d’attaque.
Pour Francis Perrin, les mesures prises par Abou Dhabi ne rendent en rien caduques les menaces iraniennes de fermer le détroit d’Ormuz. Malgré le fait qu’il puisse être contourné par certaines puissances régionales, il reste "un passage clé" pour les pétroliers.
Compte tenu de la géographie du détroit, l’Iran pourrait aisément mettre sa menace à exécution, rappelle-t-il. "On sait que la marine iranienne est présente, qu'elle est puissante, et que ce n’est pas difficile de mettre des mines un peu partout", explique-t-il. "C’est une menace qu’on ne peut écarter", ajoute-t-il.