
Pilleur des ruines de l’ex-empire soviétique ou martyr du régime de Poutine ? Le débat fait rage en Russie.
Il était l’homme le plus riche de Russie, mais les Russes n’ont pas eu de compassion pour le destin tragique de Mikhaïl Khodorkovski : les Russes n’aiment pas les fortunes bâties sur les ruines soviétiques.
L’ancien oligarque était à la tête de Yukos. Il y a encore cinq ans, c’était le plus gros producteur de pétrole de Russie. Aujourd’hui, la société a été dépecée et les souvenirs de l’empire Khodorkovski sont exposés dans l’école qu’il a fondée au temps où il était riche et puissant.
La plupart des enfants sont orphelins. Ils ne partagent pas l’animosité des Russes pour l’ancien oligarque et ne croient pas aux nouvelles accusations portées contre Khodorkovski. "Je pense que c’est un procès politisé, le procès de Mikhaïl Khodorkovski n’est pas un procès normal", remarque Roman, jeune homme de 15 ans.
La mère de Mikhaïl Khodorkovski s’occupe de l’école de son fils. Elle est inquiète pour le nouveau procès, où il risque vingt ans de prison. Elle regarde la photo de Vladimir Poutine et explique que c’est à lui que son fils doit sa condamnation à huit ans de travaux forcés.
Pour elle, le chef du Kremlin avait peur : "C’était la peur face à quelqu’un qui a les capacités d’un leader, quelqu’un qui est capable de rassembler la société. "
Il y a encore cinq ans, Mikhaïl Khodorkovski était encore assez puissant pour tenir tête au président et chercher le soutien des milieux politiques. Dans l’entourage de Vladimir Poutine, les anciens membres du KGB le désignent alors comme l’ennemi numéro 1.
"Protéger le chef de l’Etat de ses ennemis est la seule chose qu’ils savent faire, " explique l’éditorialiste Ioulia Latynina. "Et s’il n’y a pas d’ennemis, il faut les inventer. Et bien sûr, la richesse de ses ennemis peut être confisquée et partagée par ceux qui protègent le chef de l’Etat."
En 2005, Mikhaïl Khodorkovski est reconnu coupable d’évasion fiscale à grande échelle : le crime n’est pas exceptionnel, mais il s’agit surtout d’un message à faire passer. "Khodorkovski est en prison parce que certains oligarques doivent être en prison : il faut montrer les nouvelles règles du jeu", explique le député pro-Kremlin, Serguei Markov. Interdiction pour les hommes d’affaires d’entrer en conflit avec le Kremlin.
Mikhaïl Khodorkovski est le seul oligarque à avoir bravé le Kremlin et ne pas s’être exilé : un affront que Vladimir Poutine pourrait bien ne jamais oublier. "Khodorkovski doit rester en prison aussi longtemps que Poutine restera au pouvoir. C’est aussi simple que ça", relate Ioulia Latynina. Après avoir purgé cinq ans dans un pénitencier de Sibérie, Mikhaïl Khodorkovski passe de nouveau devant les juges. Il est accusé d’avoir volé 20 milliards de dollars et pour les observateurs russes de tous bords, les dés sont déjà jetés.