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Les musulmans de Hambourg pourront bientôt fêter l'Aïd à la maison

Hambourg va devenir la première ville d’Allemagne à accorder à ses administrés musulmans des jours fériés prévus dans leur calendrier religieux. Une décision saluée par la grande majorité de la classe politique locale.

Pour le maire de Hambourg, la mesure s’imposait comme une "évidence". Au nom du principe d’égalité, Olaf Scholz a souhaité que ses administrés musulmans puissent bénéficier de jours fériés selon leur calendrier religieux, au même titre que les catholiques, les protestants et les juifs. Une mesure loin d’être anecdotique car la ville du nord de l’Allemagne compte en son sein quelque 180 000 musulmans, dont 50 000 alévistes. L'alévisme se classe dans la tradition soufie et est une branche hétérodoxe de l'islam qui constitue la deuxième religion en Turquie après le sunnisme.

Les fidèles peuvent ainsi chômer ou ne pas envoyer leur enfant à l’école à certaines dates du calendrier comme le jour de l’Aïd el- Fitr ou de l'Achoura, sans avoir besoin de fournir de quelconques justifications, à condition qu'ils rattrapent ensuite les heures non effectuées. La décision, qui a été officiellement actée le 14 août, pourrait entrer en vigueur dès l’automne prochain si le Parlement de la ville adopte le texte de loi.

"C’est une véritable avancée pour notre communauté"

Outre la possibilité de pratiquer certains rites funéraires musulmans, l’accord prévoit la possibilité pour les élèves de confession musulmane de suivre des cours sur leur religion. L'Allemagne n'étant pas un pays laïc, des cours de religion facultatifs sont dispensés dans les établissements scolaires publics. Pour Ali Dogan, secrétaire général de la communauté des alévis de Hambourg qui a participé aux négociations, "cette convention d’État nous permet à nous membres de l’alévisme d’étudier notre religion. Même en Turquie, notre pays d’origine, cela ne nous a pas été autorisé. C’est une véritable avancée pour notre communauté". La ville-État allemande exige en contrepartie une acceptation sans réserve des règles de l'État de droit allemand, notamment les principes de la loi fondamentale comme l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Il aura fallu cinq ans de réflexion pour qu’émerge un accord entre Hambourg et les quatre principales organisations musulmanes de la ville. La durée de la mise en œuvre de la mesure tient moins à des réticences religieuses qu’à des difficultés d’ordre administratif.

La décision a en effet soulevé très peu de critiques. La CDU, le parti d’opposition à Hambourg, ainsi les Églises catholiques et protestantes ont même accueilli avec enthousiasme la convention d’Etat. L’affaire aurait pu faire grand bruit au regard de la polémique qu’avait provoqué en avril Volker Kauder, le chef du groupe parlementaire de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), en affirmant que l’islam ne faisait pas partie de la culture allemande. Il faut dire que la mesure est un simple accord de principe qui ne requiert pas de financement public. "Nous ne sommes pas encore tout à fait au niveau des catholiques et des juifs qui perçoivent des aides de l’État, affirme Ali Dogan à FRANCE 24. C’est d’ailleurs en partie pour cela que la décision a été plutôt bien accueillie par les Allemands."

Vers une extension de la mesure ?

Les membres de la communauté musulmane de Hambourg ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. "La prochaine étape serait d’obtenir le même statut que les catholiques et les protestants en ce qui concerne le prélèvement de l’impôt cultuel", affirme Ali Dogan. En Allemagne, un catholique ou un protestant doit payer l'impôt de son Église et son employeur en fait le prélèvement sur son salaire. Il ne peut s'en libérer qu'en renonçant officiellement à son appartenance religieuse et, du même coup, à certains services fournis par l'Église qu'il quitte.

Cette petite victoire locale donne de grands espoirs à tous les musulmans allemands. Si la décision ne se cantonne pour le moment qu’à la ville de Hambourg - qui fait partie des quelques cités-Etat allemandes, avec Berlin et Brême, à posséder sa propre souveraineté -, les musulmans espèrent que la mesure conquerra prochainement de nouveaux territoires germaniques. Ali Dogan assure d'ailleurs que le Länder de Bade-Wurtemberg a récemment pris contact dans ce sens avec son association.