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La face cachée des JO de Rio 2016

Rio de Janeiro a officiellement revêtu dimanche soir son costume de ville hôte des Jeux olympiques 2016. Un événement sportif qui annonce de grands bouleversements pour la ville, parfois au détriment de ses habitants.

Au lendemain d'une cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Londres aux accents de pop anglaise, tous les regards se tournent désormais vers le pays de la samba. Le maire de Londres, Boris Johnson, a officiellement passé le flambeau dimanche soir à son homologue Brésilien, Eduardo Paes, le maire de Rio, ville hôte des Jeux olympiques de 2016. Organisés pour la première fois en Amérique latine, les prochaines olympiades d'été sont un défi titanesque, qui entraîne de nombreux bouleversements dans la mégalopole.

Rio, une capitale en pleine mutation

Depuis 2009, les organisateurs des Jeux olympiques travaillent d’arrache-pied pour tout mettre en œuvre d’ici à 2016.

Mais, au-delà d'une ville carte postale, de ses plages de Copacabana, de sa statue du Christ rédempteur et de son Mont du Pain de Sucre, se cachent des problèmes d’insécurité, de vétusté des transports en commun et de retard des travaux sur le site olympique. Si les membres du Comité olympique brésilien (COB) de Rio se veulent rassurants, affirmant que tous les travaux ont déjà commencé, il reste cependant beaucoup à faire.

Outre le village olympique et le parc olympique qui restent à construire, la capitale du carnaval ne dispose pas des infrastructures hôtelières suffisantes pour accueillir le million de touristes attendus pour les olympiades de Rio. La ville ne dispose que de 34 000 chambres d'hôtel à offrir à ses visiteurs. Le directeur général du Comité organisateur des JO 2016, Leonardo Gryner, a récemment admis que les limitations des transports et la capacité hôtelière insuffisante de Rio étaient les aspects qui l'inquiétaient le plus. Les autorités locales prévoient de faire sortir de terre 10 000 nouvelles chambres en quatre ans et de prolonger le réseau des bus et du métro pour minimiser les embouteillages. 

La spéculation immobilière

Déjà soutenue par la croissance économique et la hausse du real, la monnaie nationale, le marché de l’immobilier atteint des sommets. Depuis 2010, les prix ont progressé en moyenne de 16 % dans les quartiers situés en centre ville et de plus de 50 % pour ceux situés en bord de mer. Le prix du mètre carré peut même dépasser 5 800 euros à l’approche des plages chics de Leblon ou d'Ipanema.

Soucieux d’éradiquer la violence et le trafic de drogue qui gangrènent certains quartiers pauvres, l’État a mis en place des "Unité pacificatrice de la police", UPP. Mais le processus de "pacification des favelas" effectué par la police brésilienne à l'initiative du gouvernement contribue également à la flambée des prix de l’immobilier. Une enquête de la Fondation Getulio Vargas a démontré que dans les zones où les forces de l'ordre avaient repris le contrôle face aux narcotrafiquants, la hausse des loyers était supérieure de 6,8 % à celle des autres quartiers de Rio, dès 2010. Si la mesure enchante les investisseurs, elle prive les habitants les plus pauvres de Rio de la possibilité de s’offrir un toit.

Le développement de la ville "se fait au mépris des plus pauvres"

À la flambée de l’immobilier s’ajoute les expulsions d’habitants. De nombreuses associations, à l’instar d’Amnesty International, s’inquiètent des conséquences du développement de l’urbanisme de Rio pour les habitants des favelas. Selon Yves Prigent, responsable du programme "Lutter contre la pauvreté" au sein d’Amnesty International, le développement des projets liés aux JO à Rio "se fait au mépris des plus pauvres. Les habitants des favelas sont les premières victimes. On n’hésite pas à déloger des habitants du centre de la ville pour trouver de la place."

Des centaines de familles ont déjà fait l’objet de ce que l’organisation humanitaire appelle "des expulsions forcées". Yves Prigent a confié à FRANCE 24 que les autorités procèdent régulièrement à des expulsions sans laisser le temps aux habitants des bidonvilles de préparer leur départ, ni même faire de proposition de relogement adapté. "Les habitants des favelas qui ont parfois vécu toute leur vie dans un quartier, qui ont des tissés des liens, qui ont un emploi et une école à proximité pour les enfants se retrouvent du jour au lendemain à la périphérie de la ville, loin des leurs, de leur travail, de leur passé. C’est très traumatisant. "

Si les habitants sont majoritairement satisfaits de voir la police intervenir dans les bidonvilles, de nombreux habitants déplorent la violence des interventions. "Les forces de sécurité de la ville apportent une solution militaire à la violence qui règne déjà dans certains bidonvilles", admet Yves Prigent qui craint que le nombre d’expulsions ne s’intensifie dans les mois à venir pour combler le manque d’infrastructure.

"La joie d’accueillir les JO ne doit pas faire oublier le respect des droits de l’Homme", conclut le responsable humanitaire.