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Le "voile" de la judokate saoudienne sème la discorde sur le tatami

, envoyé spécial à Londres – L'affaire Shaherkani jette le trouble sur la première participation d'une Saoudienne aux Jeux olympiques. Ce vendredi, Wofjan Ali Seraj Abdulrahim Shaherkani va concourir dans la compétition de judo la tête couverte "de quelque chose", mais quoi ?

Les associations de défense des droits de l’Homme et les féministes s’étaient réjouis mi-juillet de voir le Brunei, le Qatar et l'Arabie saoudite, qui jusqu'à présent n'avaient jamais envoyé de femmes aux Jeux olympiques, dépêcher tous trois une délégation féminine à Londres. Elles ont vite déchanté !

Car l'Arabie saoudite est venue avec ses propres règles dans la capitale anglaise : non mixité des épreuves pour toutes les femmes de la sélection olympique, port d'une tenue islamique et présence d'un parent proche.

Voile sur les filles !

Une des deux athlètes saoudiennes présentes à Londres, Wofjan Ali Seraj Abdulrahim Shaherkani, 16 ans, est engagée ce vendredi 3 août en judo dans la catégorie des plus de 78 kg. Le problème est que le père de la jeune fille, présent lui aussi sur les Jeux, a menacé de la retirer du tournoi si elle n'était pas autorisée à porter le voile durant son combat. Or les règlements du judo imposent à ses combattants de se présenter tête nue sur le tatami...

Dès le départ, la Fédération internationale de judo s'en est tenue à ses règles et a refusé de céder. Mais l'insistance du Comité international olympique (CIO), qui a négocié de haute lutte la présence dans la capitale anglaise de femmes saoudiennes, sans vraiment se soucier des particularités de leur sport, et du Comité olympique saoudien, a fini par payer mardi dernier.

"Nous pouvons confirmer que la Fédération [internationale] et le Comité olympique saoudien, sous l'auspice du CIO, sont parvenus à un accord selon lequel l'athlète pourra participer", a ainsi déclaré une porte-parole du CIO. La solution trouvée consiste en fait à autoriser la jeune fille "à couvrir sa tête de quelque chose qui ne compromettra pas sa sécurité."

Une décision choquante selon Murielle Dupond, l'entraîneur de l'équipe de France de judo au micro de RFI :

JO 2012 - Martine Dupond, entraîneur équipe de France Judo, s'exprime sur le voile de Shaherkani

Aucune précision n'a été donnée sur ce vêtement que pourra porter ce vendredi Wofjan Ali Seraj Abdulrahim Shaherkani lors de son combat contre la Portoricaine Melissa Mojica, à 10h33, heures locales (9h33 GMT), sur le tatami du complexe d'ExCel. On ne peut donc qu'imaginer le tableau !

Ce ne devrait pas être un voile ou un hijab, mais plutôt une capuche moulante, voir un filet ressemblant à un bonnet de bain. Une chose est sûr, c'est que ce sera l'attirail le plus décortiqué de la matinée.

Mais si la jeune judokate saoudienne venait à le perdre durant le combat, elle ne serait pas autorisée à stopper la rencontre pour le remettre, histoire de ne pas fausser la rencontre, a prévenu Jean-Louis Rougé, le président de la Fédération internationale de judo.

"Les fédérations vont tourner le dos au tatami pour protester"

Les réactions ont en tout cas été très nombreuses. L'ancienne judokate Céline Géraud s'est insurgé sur l'antenne de radio RMC Sport : "Il y a un mouvement de protestation collégiale de toutes les fédérations de judo, qui se rebellent contre cette brèche qu'on vient d'ouvrir. Au-delà des règles de sécurité, elles s'insurgent contre cette autorisation. Vendredi au moment où la Saoudienne va combattre, elles vont tourner le dos au tatami pour protester."

Selon le quotidien britannique The Telegraph, Shaherkani n'avait jamais quitté l'Arabie saoudite avant son voyage à Londres. C'est son père qui a assuré son entraînement dans la maison familialle de La Mecque. Elle serait, toujours selon le journal, ceinture bleue de judo et depuis son arrivée en Angleterre, elle aurait suivi une formation quotidienne de 90 minutes avec son père et ses frères.

Sa participation aux Jeux olympiques, la première pour une femme saoudienne, risque donc d'être très brève. Bien plus, en tous cas, que la polémique.