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L’opposition syrienne toujours plus divisée

Alors que les combats continuent de faire rage dans le pays, l’opposition syrienne reste sourde aux appels à l'unité. Une nouvelle coalition, le Conseil pour la révolution syrienne, a été créé mardi par Haytham al-Maleh.

Alors que les combats font toujours rage à Alep et ont repris dans certains quartiers de Damas, l’opposition syrienne, incapable de s’unir depuis plus de 16 mois, se divise encore un peu plus.

Depuis Le Caire, l’opposant syrien Haytham al-Maleh a annoncé, mardi 31 juillet, la création d’une nouvelle formation d’opposition, le Conseil pour la révolution syrienne (CRS), dans le but de former un gouvernement de transition.

"J'ai été chargé de diriger un gouvernement de transition (...) et de commencer les

consultations" avec l'opposition en Syrie et à l'étranger, a-t-il ainsi affirmé lors d'une conférence de presse.

Contacté par FRANCE 24, il affirme "avoir pris contact avec un bon nombre de personnalités de l’opposition vivant à l’étranger, dont l’ancien président du CNS [Conseil national syrien, NDLR] Burhan Ghalioun". Il compte également consulter les "opposants de l’intérieur".

Le CRS, qui regrouperait 70 personnalités de l'opposition, sera basé au Caire, avec des antennes au Liban, en Turquie, en Jordanie et en Irak.

Vers la formation d’un gouvernement provisoire

Avocat et défenseur des droits de l’Homme, Haytham al-Maleh est un adversaire de longue date du clan Assad. Âgé de 81 ans, il n’a quitté la Syrie que récemment, contrairement à de nombreux opposants comme ceux du CNS exilés de longue date. Al-Maleh a été libéré en mars 2011 de la prison où il était détenu depuis 2009 à la faveur d'une grâce présidentielle, peu avant le début du soulèvement en Syrie. Ce n’était pas son premier passage dans les geôles syriennes : le régime syrien l’avait également emprisonné de 1980 à 1986 en compagnie d'un grand nombre d’opposants politiques pour avoir réclamé des réformes constitutionnelles.

Pour Ziad Majed, politologue et professeur à l’Université américaine de Paris interrogé par FRANCE 24, "Maleh est une personne légitime et crédible".

Ce musulman conservateur comptait également au nombre des membres du CNS, créé en septembre 2011, qui est resté jusqu'ici la principale instance de représentation de l’opposition syrienne. Dénonçant l’inefficacité de la structure, Haytham al-Maleh en a démissionné en mars dernier. Il a même déclaré à Reuters que le CRS offrirait une alternative au CNS qui a, selon lui, "failli dans son soutien à la révolution syrienne".

CRS contre CNS

Ce dernier n’a d'ailleurs pas fait bon accueil à l’annonce du nouveau groupe créé par Haytham al-Maleh. Reconnaissant que "tous les représentants de l'opposition syrienne étaient libres de faire ce qu'ils jugent utiles à la révolution syrienne", le président du CNS, Abdel Basset Sayda, a toutefois déploré "une décision hâtive". Pour lui, "la formation d'un gouvernement de transition est un processus difficile : il faut pour cela consulter l'ensemble des représentants de l'opposition syrienne, des insurgés et de l'Armée syrienne libre (ASL)".

Contrairement à ce qu’affirme Haytham al-Maleh, plusieurs membres du CNS déplorent également le fait que cette organisation n’ait pas été consultée, à l'instar d'Abdelhamid al-Atassi, contacté par FRANCE 24, qui critique "une action qui s’est faite sans consulter les autres courants de l’opposition et qui n’œuvre pas en faveur de la révolution".

Abdel Basset Sayda avait en outre déjà annoncé, samedi, que le CNS avait, pour sa part, formé deux comités pour se concerter avec l'ASL et les groupes de l'intérieur ainsi qu'avec l'opposition en exil, en vue de la formation d'un gouvernement de transition.

La crainte d’un vide politique

L’ASL a elle aussi critiqué vertement la formation du CRS. Ces combattants du terrain avaient d'ailleurs déjà montré des désaccords avec le CNS, le jugeant déconnecté de la réalité.

Le commandant de l’ASL, basé en Turquie, Riad al-Asaad, a dénoncé l’opportunisme des fondateurs du CRS. Ces opposants "ont été animés par la fièvre d'acquérir des postes, ce qui les a conduits à annoncer la formation d'un gouvernement de transition (...), à piétiner notre révolution et à faire des affaires avec le sang de nos martyrs", a déclaré, lapidaire, le commandant de l’ASL.

Comme le CNS, l’ASL a également annoncé travailler à l’après-Assad. La veille de l’annonce faite par Haytham al-Maleh au Caire, elle présentait un "programme de salut national" préconisant la formation d’un conseil présidentiel de six personnalités militaires et politiques qui dirigerait la transition en cas de chute du régime.

Selon l’ASL, cette instance serait chargée de "proposer des lois, soumises à référendum, pour restructurer les organismes militaires et de sécurité".

Bien qu’elles ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente, les différentes factions de l’opposition syrienne semblent toutes soucieuses d’éviter une "vacance du pouvoir". Une inquiétude également partagée par la communauté internationale. Depuis quelques semaines, la Ligue arabe et certains pays occidentaux comme la France ont, en effet, invité l’opposition à s’organiser pour proposer un gouvernement de transition. Le politologue Ziad Majed estime que bien que ces "initiatives ne soient pas coordonnées, elles envoient un message qui se veut rassurant, qui est celui qu’il y aura une alternative en cas de chute d'Assad".

Depuis l’attentat du 18 juillet qui a coûté la vie a plusieurs cadres du régime, dont le beau-frère du président Assad, les évènements se sont accélérés. Après une offensive sur Damas, l’armée régulière et les rebelles sont engagés dans une bataille cruciale à Alep.