
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à Bruxelles, en Belgique, le 23 octobre 2025. © Nicolas Tucat, AFP
Une perspective qui laisse les Européens sur la réserve. La proposition américaine de faire entrer l'Ukraine dans l'UE dès 2027 a été accueillie avec un profond scepticisme, vendredi 12 décembre, à Bruxelles. "2027 ? C'est après-demain !", a immédiatement réagi une source au sein de l'exécutif européen. État de droit, agriculture... Les Européens appellent à ne pas précipiter un processus aux ramifications immenses.
Ce calendrier est envisagé dans le cadre du plan de paix des États-Unis pour mettre fin à la guerre entre l'Ukraine et la Russie, selon un haut-responsable à l'AFP. Cependant, il est considéré comme irréaliste par de nombreux responsables européens : les plus optimistes d'entre eux tablaient jusqu'ici sur une adhésion de l'Ukraine au bloc en 2030.
Veto hongrois
"C'est sûr que les Américains vont choisir pour nous...", ironise un diplomate européen en évoquant la perspective d'une adhésion en janvier 2027. "C'est n'importe quoi : il faut un appétit pour l'élargissement (du bloc) qui n'est pas là", a-t-il jugé, sous couvert d'anonymat.

Lancé tambour battant au lendemain de l'invasion russe, le processus d'adhésion de l'Ukraine dans l'Union européenne est depuis plusieurs mois au point mort.
Et pour cause : cette procédure longue et complexe exige l'unanimité des 27 États membres à chaque nouvelle étape. Or le chef du gouvernement hongrois, Viktor Orban, a décidé de geler de facto tout le processus d'adhésion en usant de son droit de veto.
Le dirigeant conservateur, qui cultive sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine, affirme qu'une entrée de l'Ukraine dans l'UE "ruinerait" le bloc. Sans feu vert du dirigeant hongrois, aucun progrès possible.
"Comment l'Ukraine peut-elle être prête ?"
Une adhésion éclair de l'Ukraine à l'UE - les négociations d'adhésion ont officiellement débuté en juin 2024 - pose aussi des questions très concrètes, et extraordinairement complexes.
Comment intégrer le géant agricole ukrainien sans déstabiliser complètement le marché unique européen ? Les céréaliers français, allemands et polonais accusent régulièrement Kiev de concurrence déloyale en raison des prix qu'il pratique.
Comment s'assurer que l'Ukraine parvienne, au beau milieu des combats, à réformer ses institutions pour se conformer aux critères européens très stricts en matière d'État de droit ?
"Comment l'Ukraine peut-elle être prête ? Elle n'a même pas de frontière", abonde un diplomate européen, sous couvert d'anonymat en référence aux territoires ukrainiens dont Moscou revendique l'annexion.
Rédéfinir la procédure d'adhésion
"Je pense que ceux qui ont évoqué cette date ne se sont même pas posé un millième de ces questions", explique Lukas Macek, spécialiste des politiques d'élargissement de l'UE à l'institut Jacques-Delors.
Pour cet expert, une adhésion de l'Ukraine à l'UE en janvier 2027 est "complètement irréaliste" dans le cadre actuel. Mais elle n'est pas inenvisageable si on "renverse complètement la logique" et "qu'on redéfinit" la procédure, en imaginant que l'adhésion précède la plupart des autres étapes de l'intégration.
Se pose alors la question délicate de savoir si cette nouvelle méthode s'appliquerait également aux Balkans - dont plusieurs pays (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Monténégro, Kosovo et Serbie) patientent depuis des années, sans réelle perspective d'adhésion.
Sinon, cela risque de créer d"'énormes frustrations", prédit le spécialiste.
Le record de l'adhésion la plus rapide au bloc est actuellement détenu par la Finlande : moins de trois ans entre le dépôt de sa candidature et son adhésion formelle. La Turquie, à l'inverse, est officiellement candidate depuis près de 30 ans, mais le processus pour intégrer l'UE est complètement gelé.
Avec AFP
