
Une bataille décisive s'est engagée vendredi à Alep, deuxième ville du pays. L'armée syrienne et les insurgés tentent de contrôler ce bastion crucial pour l'avenir de Bachar al-Assad. Washington dit redouter un massacre.
AFP - Plusieurs quartiers d'Alep étaient mitraillés vendredi par les hélicoptères des forces du régime syrien, désormais "quasiment au complet" en vue d'un assaut décisif contre les rebelles dans la deuxième ville de Syrie.
Une semaine après l'ouverture d'un nouveau front dans la capitale économique du pays, les forces du régime qui se rassemblent depuis jeudi aux abords d'Alep "sont quasiment au complet" en vue d'une contre-offensive vendredi ou samedi, selon une source des services de sécurité.
Les rebelles quand à eux sont installés dans de petites ruelles, "ce qui rendra difficile la bataille", a indiqué cette source à l'AFP.
Plusieurs quartiers dont Salaheddine (sud-ouest) étaient mitraillés par les hélicoptères, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), alors que des centaines de rebelles se préparent à l'offensive de l'armée.
"Les civils ont quitté le quartier", affirme à l'AFP un combattant à Salaheddine joint au téléphone, ajoutant que l'armée se tenait "aux abords du quartier" sans tenter d'y rentrer.
Une députée d'Alep a fait défection, la quatrième d'un parlementaire depuis le début de la révolte contre Bachar al-Assad en mars 2011.
Ailleurs dans le pays, de violents combats se déroulent depuis plusieurs heures à Maaret al-Noomane, dans la région d'Idleb (nord-ouest), où une femme et son garçon ont été tués par des obus qui se sont abattus sur la ville.
La répression et les combats ont fait 28 morts vendredi dont 17 civils, neuf soldats et deux rebelles, selon un bilan provisoire de l'OSDH, qui avait fait état de la mort de 164 personnes jeudi.
"Eviter un nouveau massacre"
La chute du gouvernement syrien de Bachar al Assad n'est qu'une "question de temps", a estimé ce vendredi le général norvégien Robert Mood, qui a dirigé la mission de supervision des Nations unies en Syrie (Misnus) jusqu'au 20 juillet.
"A mon avis, la chute d'un régime qui utilise une puissance militaire aussi importante et une violence aussi disproportionnée contre la population civile, n'est qu'une question de temps", a-t-il déclaré.
En dépit des violences, plusieurs manifestations se déroulaient à Alep, où des manifestants ont scandé "Le peuple veut que Tu nous viennes en aide, O Dieu", ou "Pourquoi avez-vous peur, Dieu est avec nous" selon des vidéos mises en ligne par des militants. Des manifestants ont défilé également dans la province d'Alep, à Deraa (sud) et Hama.
"Soulèvement des deux capitales, la guerre de libération continue" est le slogan des manifestations anti-régime prévues vendredi, les militants ne semblant pas découragés par les violences ayant fait plus de 19.000 morts depuis le début du soulèvement.
Plusieurs capitales ont dit leur préoccupation, Londres mettant en garde contre "un désastre humanitaire" tandis que selon Rome "il faut que tout le monde fasse monter la pression au maximum sur Assad pour éviter un nouveau massacre" à Alep.
"En accumulant les moyens militaires lourds autour d'Alep, Bachar s'apprête à commettre de nouvelles tueries contre son peuple", a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Bernard Valero.
itLes Etats-Unis avaient déclaré jeudi redouter un massacre à Alep, tout en écartant de nouveau l'option militaire.
De son côté, le chef druze libanais Walid Joumblatt a appelé vendredi à "appuyer ce peuple (de Syrie, NDLR) avec armes et équipements pour qu'il puisse résister et abattre les hélicoptères et les Mig 23 que Bachar utilise contre les villes et la population".
"Ce qu'on voit est barbare, l'Occident ne fait rien tandis que les Russes et les Iraniens mettent le paquet", a-t-il dénoncé dans des déclarations à la chaîne France-Info.
Il a en outre exclu un départ de Bachar al-Assad: "son armée est forte, il ne va pas quitter le pouvoir. Il faut l'abattre ni plus ni moins, ou bien s'ils veulent les Russes et les Iraniens, qu'ils le prennent quelque part en Sibérie ou dans le désert iranien. A part ça il n'y a pas de solution."
Alep, ville-clé
La bataille d'Alep est "extrêmement importante pour les deux parties", estime Ignace Leverrier, ancien diplomate français ayant été en poste en Syrie.
"Pour le régime, c'est une ville commerciale dans laquelle il a beaucoup d'alliés, notamment parmi les hommes d'affaires sur lesquels il compte pour financer une partie de son effort de guerre", assure-t-il.
"Pour les rebelles, la ville est la clé de la Syrie du Nord", ajoute l'expert.
"En la prenant, ils rééditeront en quelque sorte le schéma de la Libye avec Benghazi et pourront assurer enfin la zone protégée réclamée depuis des mois par la révolution syrienne pour pouvoir soigner ses blessés et donner refuge aux déserteurs et à leurs familles", estime M. Leverrier.
Sur le plan des défections, une députée d'Alep, Ikhlas Badaoui, est arrivée en Turquie avec ses six enfants: "Je suis partie parce qu'il ne me restait plus de force pour endurer l'oppression", a-t-elle déclaré à l'agence de presse turque Anatolie, dénonçant "un drame humain" dans son pays.
Dans le contexte des violences qui débordent dans les pays voisins, un enfant syrien de trois ans a été tué vendredi par des tirs des troupes du régime alors qu'il tentait de passer avec sa famille en Jordanie, selon Amman.
D'autre part, deux photographes néerlandais et britannique, enlevés le 19 juillet dans le nord de la Syrie, ont été libérés.