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En début de semaine, le régime syrien a menacé de faire usage de son arsenal d’armes chimiques en cas d’agression extérieure. Quelle est la réalité de cette menace ? Décryptage.

Pour la première fois, le régime syrien a laissé entendre, en début de semaine, qu'il possédait un arsenal d’armes chimiques. Ces armes non conventionnelles, "stockées et sécurisées sous la supervision des forces armées (...), ne seront utilisées qu'en cas d'agression étrangère", a prévenu le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Makdessi. Elle ne "seront jamais, jamais, utilisées contre nos citoyens, quelle que soit l'évolution de la crise", a-t-il par ailleurs assuré.

Considéré comme l’un des plus importants du Moyen-Orient, l’arsenal chimique que la Syrie s’est constituée depuis les années 1970 ne peut toutefois faire l’objet que d’hypothèses, vu la rareté des données accessibles en la matière.

La Syrie compte, en effet, au nombre des pays qui n'ont pas signé la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et n’est donc pas membre de l'organisation chargée de contrôler son application, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). On sait cependant que les services de renseignements, notamment américains et israéliens, surveillent de près ces stocks d’armes.

Substances "extrêmement toxiques"

Malgré le manque de détails quantitatifs, Olivier Lepick, spécialiste de l'armement chimique à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), estime que l’arsenal chimique syrien est "conséquent et robuste, tant en termes d’agents que de vecteurs".

Il explique que s’il existe des gaz anciens comme le sulfure d’éhtyle dichloré, communément appelé gaz moutarde, utilisé notamment pendant la Première Guerre mondiale, "les Syriens ont surtout en leur possession la dernière génération d’armements chimiques obtenue par la synthèse des organophosphorés, comme le gaz Sarin ou le VX". Selon Olivier Lepick, l’armée syrienne a les moyens de les disséminer par le bais d’obus et de missiles, notamment des Scud B et C.

Ces substances, des neurotoxiques organophosphorés, sont les plus dangereuses et "extrêmement toxiques". "Bien entendu, si des populations civiles non protégées étaient visées, le danger et les dégâts seraient véritablement incommensurables", assure le spécialiste. En revanche, si de telles armes étaient tournées contres des militaires bénéficiant d’un équipement, "les dégâts seraient plus relatifs", précise-t-il encore.

Mauvaises mains

Pour lui, il est "très peu probable que le régime de Bachar al-Assad utilise ces armes, même en cas d’évolution du conflit". "L’armée syrienne n’a aucun intérêt, tactiquement parlant, à les utiliser, compte tenu de la nature du conflit actuel qui est essentiellement urbain", estime-t-il. Celui-ci rappelle en outre que le régime sait qu’il risquerait de perdre le soutien essentiel de la Chine et de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU.

C’est un autre scénario, autrement plus plausible, qui inquiète en fait la communauté internationale. "Le véritable risque aujourd’hui, c’est l’éventualité que cet arsenal tombe dans de mauvaises mains en cas de chute du régime."

Si les stocks de substances chimiques sont, pour l’heure, placés sous la haute surveillance des autorités syriennes, cela risque effectivement de ne plus être le cas dans l’éventualité d'une chute du régime.

"Dans ce cas, on peut craindre que le Hezbollah libanais s’en empare. On imagine alors les inquiétudes d’Israël", poursuit-il. "On sait aussi parfaitement qu’il y a, parmi les combattants en Syrie, des groupes islamistes fondamentalistes proches d’al-Qaïda qui pourraient mettre la main dessus en cas d’effondrement du régime", conclut-il.