
Alors que le président Alassane Ouattara doit être reçu par François Hollande, les partisans du camp Gbagbo demandent à la France de saisir la Cour pénale internationale pour enquêter sur les crimes qui continuent d’être perpétrés à l’ouest du pays.
Tandis que le président ivoirien doit être reçu, jeudi, pour la première fois par François Hollande, pour évoquer - entre autres - les relations étroites et tumultueuses entre la France et la Côte d’Ivoire, ce sont justement ces violences que les Ivoiriens de France partisans du président déchu souhaiteraient voir arriver sur la table diplomatique.
Selon eux, de nouvelles relations entre les deux pays ne peuvent se construire sur des crimes impunis : "Les intérêts de la France en Côte d’Ivoire restent ce qu’ils sont. Mais la collusion entre les autorités françaises et le gouvernement d’Alassane Ouattara doit cesser. François Hollande a promis le changement, cela doit inclure sa politique internationale", a déclaré à FRANCE 24 Toussaint Allain, ancien conseiller de Laurent Gbagbo.
"Notre but est de faire en sorte que les massacres s’arrêtent et que la France saisisse la CPI pour enquêter sur les crimes commis par les deux bords. Si la justice est hémiplégique, le pays ne pourra pas se reconstruire", estime Basile Besnard, avocat de l’Ardefe, qui a envoyé sa requête au ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, mardi 23 juillet.
Une enquête de la CPI a pourtant déjà été lancée le 3 octobre dernier. Alassane Ouattara, qui avait plaidé lors de son investiture pour la mise en place d’une "commission vérité et reconciliation", avait demandé à Luis Moreno Ocampo, alors procureur de la CPI, de "mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 [date du second tour de l’élection présidentielle, ndlr] sur l’ensemble du territoire ivoirien".
Une justice à deux vitesses ?
Quatre mandats, tous émis contre le camp Gbagbo. Soupçonné de crime contre l’humanité, Laurent Gbagbo a lui-même été arrêté puis incarcéré en novembre 2011 à La Haye ; il doit comparaître le 13 août devant la CPI pour la confirmation des charges qui pèsent contre lui. Plus de 176 de ses partisans ont également été inculpés. Mais selon un communiqué du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme (HCDH), en date du 24 juillet, aucun partisan de l'actuel président, Alassane Ouattara, n'a été arrêté.
Les méthodes de la CPI mises en causes
Mais c’est moins l’impartialité de la CPI qui pose question que ses méthodes : elle a en effet décidé de procéder par étapes successives pour ses enquêtes, se penchant d’abord sur le camp Gbagbo, avant d’enquêter sur les crimes perpétrés par les forces pro-Ouattara. "Cette décision de la CPI n’a fait que renforcer le sentiment d’une justice des vainqueurs. Aussi longtemps que la justice restera unilatérale, les plaies communautaires profondes dans le pays seront ravivées", écrit dans un communiqué du 19 juillet Matt Wells, chercheur pour l'ONG Human Rights Watch. Maître Basile Besnard met de son côté l’accent sur la perte de temps : "Pendant que l’on enquête sur le camp Gbagbo – ce qui est très bien – les exactions se poursuivent", poursuit l’avocat.
Au moins sept personnes, selon l'ONU, ont été tuées le 20 juillet dans le camp de déplacés de Nahibly; un chiffre porté à neuf selon des sources locales et à plus de 200 selon les partisans de Laurent Gbagbo. Le camp, sous surveillance de l’ONU, a été détruit en représailles à la mort de cinq personnes dans un quartier malinké de la ville voisine de Duékoué. Un crime imputable aux forces d’Alassane Ouattara selon Toussaint Alain ; aux divisions ethniques et religieuses selon Alassane Ouattara. La justice devra trancher. Et vite.