Alors que la Syrie n’en finit plus de compter ses morts, la situation du riche patrimoine archéologique du pays suscite de vives inquiétudes. La vieille ville d’Alep, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est ainsi particulièrement menacée.
La Syrie n’a de cesse de compter ses morts, dont le nombre s’accroît dramatiquement
Armée et rebelles envoient des renforts à Alep pour une bataille décisive
L'armée syrienne et les rebelles ont acheminé mercredi des troupes vers Alep, deuxième ville de Syrie où se joue une bataille décisive entre les opposants et le régime.
A Damas, l'armée régulière, qui a repris lundi le contrôle de la plus grande partie de la capitale selon l'OSDH, bombardait Hajar el-Aswad (sud), un des derniers bastions rebelles de la ville.
La Maison Blanche par ailleurs a indiqué mercredi que deux nouveaux ambassadeurs syriens, en poste à Chypre et aux Emirats arabes unis, avaient fait défection.
Source : AFP
chaque jour. Mais au-delà des pertes humaines, le patrimoine historique exceptionnel du pays, menacé par le conflit, suscite également des inquiétudes. Car en Syrie, se trouvent les fameuses ruines de Palmyre, une prestigieuse cité antique où vécut la reine Zénobie au troisième siècle, ou encore Bosra, ancienne capitale de la province romaine d’Arabie, célèbre pour son théâtre remarquablement conservé. Ces lieux chargés d'histoire attiraient les touristes du monde entier. Ils sont aujourd'hui en proie à des combats.
En tout, le pays compte
six sites parmi les 745 inscrits à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Parmi eux, la vieille ville d’Alep, dédales de rues étroites et pavées ornées ça et là de gravures et inscription d’époques, où des combats font rage depuis mardi. Joint mercredi par FRANCE 24, un habitant de la ville ayant requis l’anonymat a fait état du bombardement par des hélicoptères des portes de cette vieille ville.
Des sites lourdement endommagés
Outre Alep, trois sites ont déjà essuyé des tirs ou des bombardements, selon
un rapport publié par le Global Heritage Fund en mai dernier. Il s’agit des villages antiques du nord de la Syrie, de l’ancienne ville romaine de Bosra située dans la région montagneuse du Djebel druze, dans le sud, ainsi que du célèbre Crac des Chevaliers, forteresse médiévale de la province de Homs.
Archéologue, chercheuse au CNRS et à l’Institut français du Proche-Orient, Mathilde Gelin suit de près l’état de ces sites. Elle a elle-même travaillé à la restauration de la citadelle de Madiq située, près des ruines antiques d’Apamée dans la province de Hama, aujourd’hui gravement endommagée. Elle évoque "une situation catastrophique dans certains endroits".
La chercheuse distingue deux situations différentes : les sites archéologiques habités, comme les villages du nord de la Syrie et la citadelle de Madiq, "où les habitants peuvent être visés par des tirs et des bombardements", et les sites non habités comme Palmyre, site le plus visité de Syrie, ou le Crac des Chevaliers, forteresse héritée des Croisades.
Palmyre aurait été le théâtre de tirs. Quant au Crac des Chevaliers, il serait, selon des témoins, occupé par des rebelles. "Les opposants s’y sont réfugiés peut-être dans un premier temps pour rechercher la sécurité pensant l’armée ne viserait pas de tels lieux, avance Mathilde Gelin. Puis ils ont remarqué qu’ils pourraient jouir là-bas d’une attention internationale".
C’est ainsi que, sur les remparts du Crac ou encore d’un temple à Bosra, pendent des draps ornés de slogans favorables à la rébellion (voir la photo en tête de l’article).
Face aux pillages et aux destructions, quelle solution ?
En plus des destructions dues aux combats, les organisations de défense de l’héritage culturel syrien craignent les pillages d’œuvres d’art, comme ce fut le cas en Irak en 2003 ou en Egypte l’année dernière. Plusieurs musées ont d’ores et déjà rapporté des vols, à Homs notamment où la situation est particulièrement chaotique depuis plusieurs mois. L’organisation internationale de police Interpol a par ailleurs été informée du vol d’une mosaïque antique de grande valeur au musée qui jouxte les ruines d’Apamée, dans le nord-ouest.
Aujourd’hui sur les sites archéologiques, l’heure est moins à la prévention qu’à l’anticipation des mesures de restauration à prendre à la fin du conflit. "Tout dépend des dégâts et du matériau de construction, explique Mathilde Guelin. Une fois détruits, certains sites construits en terre crue - comme c’est beaucoup le cas en Syrie - ou des fresques sont à jamais perdues", déplore-t-elle. Les édifices en pierre pourraient, en revanche, éventuellement être reconstruits. "Encore faut-il que les pierres tombées des vieilles villes ou des citadelles ne soient pas déblayées comme des gravats", explique-t-elle.
La restauration, si elle s’avère possible, prendra des années.