Laszlo Csatary, le criminel nazi le plus recherché du monde, a été localisé dans un quartier de Budapest, en Hongrie. L’homme, aujourd’hui âgé de 97 ans, serait responsable de la déportation de 15 700 juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un vieillard, coiffé d’une casquette, portant une veste en tweed sur ses épaules et deux sacs de provisions à bout de bras. Une photo banale d’un retraité apparemment sans histoire. Pourtant, le cliché fait le tour du monde. Car ce nonagénaire n’est autre que Laszlo Csatary, le criminel nazi le plus recherché du monde, selon une liste établie par le Centre Simon-Wiesenthal - du nom du célèbre chasseur de nazis mort en 2005.
Des journalistes du quotidien britannique The Sun l’ont retrouvé dans un quartier résidentiel de Budapest, en Hongrie. Sur sa sonnette, un nom : Smith. À l’intérieur de l’immeuble, sur sa boîte aux lettres, son vrai nom apparaît pourtant. Derrière la porte, un homme de 97 ans, à demi-vêtu, ouvre aux journalistes anglais. Aux questions des reporters concernant son passé, il répond avec colère : "Je ne veux pas en parler […], je n’ai rien à voir avec ça". Mais Efraïm Zuroff, directeur du bureau israélien du Centre Simon-Wiesenthal, est formel : il s’agit bel et bien de Laszlo Csatary, ancien membre de la police royale hongroise.
15 700 juifs déportés sous ses ordres
L’homme, de son nom complet Ladislaus Csizsik-Csatary, était directeur du ghetto de Kassa - aujourd’hui Kosice, en Slovaquie - en 1944. Il est accusé d’avoir emprisonné près de 15 700 juifs et de les avoir déportés vers les camps de la mort, notamment à Auschwitz. Les documents le concernant, récoltés par le Centre Simon-Wiesenthal, sont accablants. Réputé pour sa cruauté, il frappait régulièrement les femmes avec un fouet qu’il portait à sa ceinture. Il contraignait les habitants du ghetto à creuser des tranchées à mains nues dans la terre gelée et faisait tuer automatiquement toute personne tentant de prendre la fuite.
Après la victoire des alliés en 1945, Csatary s’enfuit de Kassa. En 1948, dans ce qui s'appelle alors la Tchécoslovaquie, un tribunal le condamne à mort par contumace pour crime de guerre. Mais l’homme est désormais introuvable. Pendant les 50 années suivantes, il coule des jours paisibles au Canada, sous une fausse identité, en tant que marchand d’art. Ce n’est qu’en 1997 que l’homme est rattrapé par son passé. Il admet son "rôle limité" dans l’enfermement des juifs à Kassa, mais, selon ses avocats, il "ignorait où les juifs étaient déportés". Il est déchu de sa citoyenneté canadienne mais s’enfuit du pays avant que son procès ne débute.
"Les criminels nazis poursuivis jusqu’à leur lit de mort"
Et c’est dans son pays, la Hongrie, que l’homme choisit de revenir après des décennies passées outre-Atlantique. Il s’installe dans une banlieue résidentielle de Budapest où l’ont trouvé les journalistes du Sun, grâce à des informations récoltées par le Centre Simon-Wiesenthal. L’ONG a retrouvé sa trace il y a quelques mois, au cours de son "Opération dernière chance", visant à accélérer la traque des criminels nazis avant leur mort. Elle avait transmis un dossier concernant Csatary à la justice hongroise en septembre 2011, mais l’homme n’avait jusqu’à présent pas été inquiété. Les informations recueillies par The Sun ont été compilées et adressées au procureur de Budapest, en complément du dossier déjà entre ses mains.
"Une enquête est en cours", ont assuré les autorités hongroises. Le ministère français des Affaires étrangères a incité Budapest à entamer une action contre l’homme. "Les crimes nazis sont imprescriptibles. Nous estimons que les criminels nazis, où qu'ils se trouvent, doivent répondre de leurs actes devant la justice", a ainsi déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero, lors d'un point-presse. En Israël, les survivants de la Shoah sont très partagés, comme en témoigne Gallagher Fenwick, correspondant de FRANCE 24 à Jérusalem. "Il y a de la frustration, de l’amertume de voir cet homme de 97 ans qui n’a toujours pas été traduit en justice. ‘C’est une honte’, a déclaré une survivante. Mais une autre assure être rassurée de voir les suspects de crime nazi être poursuivis jusque dans leur lit de mort."
Pour Serge Klarsfeld, écrivain, historien et chasseur de nazis, interrogé sur les ondes d'Europe 1, il est effectivement "bon que l’on poursuive les criminels jusqu’à leur dernier souffle". "Mais, poursuit-il, ce ne sont plus que les comparses et les subalternes [des grands décideurs nazis]. Csatary est peut être le plus recherché aujourd’hui parce qu’ils ont tous entre 90 et 100 ans. Il y a 30 ans, Csatary aurait été le 3 500e sur la liste [du Centre Simon-Wiesenthal]. Moi, par exemple, je n’ai jamais entendu parler de lui."