Nicolas Sarkozy a officiellement confirmé le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l'Otan. Le général de Gaulle en avait claqué la porte en 1966, au nom de la préservation de la souveraineté française.
Le président Nicolas Sarkozy a fait œuvre de pédagogie, mercredi, en revenant longuement sur les raisons qui l'ont poussé à réintégrer la France au sein du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), à l'occasion d’un colloque organisé par la Fondation de la recherche stratégique.
La volonté de réintégrer l’Otan est d’abord une démarche européenne, a insisté le président français à la veille du sommet de Strasbourg-Kehl du 4 avril, au cours duquel sera célébré le 60e anniversaire de la signature du traité de l’Atlantique nord. "À quoi sert de parler d’une seule voix, si l’Europe se tait quand les armes parlent ?" s’est-il interrogé. Si l’Europe militaire n’existe pas encore, a-t-il ajouté, c’est parce que les alliés n’ont pas confiance en la France. Selon lui, ils la soupçonneraient de tout faire pour contredire l’Otan.
Un rapprochement qui conforte l'indépendancede la France
Prenant le contrepied de l'argument gaulliste traditionnel, Nicolas Sarkozy estime que le "rapprochement de l’Otan confort(e) la France dans son indépendance". Dénonçant l'hégémonie dont les États-Unis faisaient preuve au sein de l'organisation, le général de Gaulle, alors président de la République, avait obtenu que la France s'en retire, en 1966.
Cette décision a abouti à une situation paradoxale, longuement dénoncée par le président français. Alors que Paris fournit 7 %, en moyenne, des effectifs militaires mis à la disposition de l'Otan et paye 12 % de son budget de fonctionnement qui s'élève à 2 milliards d'euros par an, la France possède moins de 1% des postes de son commandement militaire.
Elle a également envoyé des troupes dans le cadre des interventions de l’Otan dans les Balkans, à partir de 1996, ou en Afghanistan, en 2001, sans pouvoir influer sur les décisions prises. Paris espère donc pouvoir, désormais, peser sur la planification des opérations.
Les effectifs des militaires français dans le commandement intégré de l'Otan vont progressivement passer d'une centaine à environ 800, après la décision de la France d'y reprendre toute sa place. À titre de comparaison, il y a 1 700 militaires allemands et un millier de Britanniques dans cette structure.
En outre, le secrétaire général de l’organisation, Jaap de Hoop Sheffer, devrait annoncer, le 4 avril, l’attribution de deux de ses commandements à des généraux français.
Le choix de la transparence et du débat
Dénonçant un manque de pédagogie et d’information pour expliquer la réticence de l’opinion publique française à propos de cette décision, Nicolas Sarkozy a salué les initiatives prises par ses prédécesseurs qui allaient dans le sens d'une contribution aux efforts de l’Otan. "Il ne s’agit pas d’une rupture dans le fond, mais dans la méthode. J’aurais pu conduire une diplomatie secrète. J’ai fait le choix de la transparence et du débat", s’est-il justifié.
"François Mitterrand et Jacques Chirac se sont rapprochés de l'Otan sans le dire [en 1992 et en 1998], rappelle Jean-Bernard Cadier, spécialiste de politique étrangère à FRANCE 24. Sarkozy, lui, le fait et le dit."
La réintégration de la France à la structure nord-atlantique devrait faire l’objet d’un débat plus large sur la politique étrangère du gouvernement, le 17 mars, à l'Assemblée nationale, en présence du Premier ministre François Fillon. À cette occasion, la responsabilité du gouvernement sera engagée.
Mais le vote ne devrait pas créer de surprise, souligne Roselyne Febvre, spécialiste de la politique française à FRANCE 24. "Si le résultat du vote était négatif, le gouvernement serait obligé de démissionner. Les députés de la majorité (y compris ceux qui sont opposés au retour de la France dans l’Otan par tradition gaulliste, NDLR) n’oseront pas voter contre".