
Seize mois après le début de la crise en Syrie, l'opposition au régime de Damas, minée par les divergences politiques et les querelles de personnes, peine à resserrer les rangs. Au grand dam des diplomates occidentaux et arabes.
Après 16 mois de crise en Syrie et des dizaines de milliers de morts, l’opposition syrienne peine toujours à présenter un front uni face au régime de Bachar al-Assad. Notamment en raison de la persistance de deux lignes de fracture, entre islamistes et laïcs d'une part, entre Syriens de l'intérieur et exilés d'autre part.
En début de semaine, les différents mouvements d’opposants, dont le Conseil national syrien (CNS) - qui rassemble la majeure partie des courants de l'opposition -, ont une nouvelle fois affiché leurs divergences lors d’une réunion au Caire qui était, justement, censée souder leurs rangs. L'Armée syrienne libre (ASL) avait décidé de boycotter la réunion en la qualifiant de "complot", tandis que la Commission générale de la révolution syrienne (CGRS) avait annoncé qu'elle se retirait des débats.
Unité de façade
"Il n'est en aucune manière acceptable de gâcher cette occasion. Les sacrifices du peuple syrien sont plus grands que nous tous et plus précieux que n'importe quelle différence, que n'importe quel individu et que n'importe quel intérêt partisan", avait pourtant prévenu à cette occasion Nabil al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe.
Conviée quelques jours plus tard, le 6 juillet, à Paris, à la réunion des Amis du peuple syrien, l’opposition syrienne a affiché une unité de façade en arguant qu’elle était au moins d’accord sur la nécessité de voir Bachar al-Assad quitter le pouvoir.
Pour les pays occidentaux et arabes, ce n’est pas suffisant. Ils attendent de l’opposition qu'elle représente un interlocuteur fiable et crédible. Dans les coulisses de la réunion, certains diplomates n’ont pas caché leur irritation. "Ce n’est pas très sérieux, nous ne pouvons pas aider efficacement une opposition morcelée et des courants qui passent leur temps à se contredire", regrette un diplomate d’un pays de l'Union européenne qui a requis l’anonymat. Il confie que son gouvernement hésite, par conséquent, à discuter ou à soutenir financièrement un courant d’opposition plutôt qu’un autre, et préfère se contenter d’un "soutien moral".
"Objectifs communs"
Interrogé par FRANCE 24 peu avant l’ouverture de la conférence des Amis du peuple syrien, Bernard Valero, porte-parole du Quai d’Orsay, a exhorté les différents courants de l’opposition à s’entendre afin, a-t-il précisé, que la communauté internationale puisse continuer "à lui manifester le soutien le plus large possible et le plus concret".
Et de poursuivre : "Nous lançons depuis très longtemps des appels à l’unité de l’opposition au régime de Damas, il est important de faire ce travail, ce n’est pas nous qui allons le faire à la place des Syriens", a-t-il martelé. À la fin de la réunion, les Amis du peuple syrien, qui ont annoncé leur décision "d'accroître massivement l'aide à l'opposition" syrienne, ont réitéré leur appel aux opposants de "continuer à se concentrer sur leurs objectifs communs".
Et pour cause : plusieurs analystes estiment que la situation en Syrie est de plus en plus défavorable au régime et qu’il faut commencer à se pencher sérieusement sur la question de la transition. "Contesté depuis 16 mois, le régime n’a pas réussi à reprendre le contrôle du pays et sa solution sécuritaire est un échec. Plus le temps passe, plus le rapport de force évolue en faveur du camp anti-Bachar", explique un diplomate d’un grand pays arabe rencontré par FRANCE 24 lors de la réunion des Amis du peuple syrien.
Toutefois, selon ce dernier, "l'incapacité des opposants à parler d’une seule voix sert la propagande de Bachar al-Assad qui raille l’amateurisme de ses adversaires et conforte la Russie dans son choix de ne pas abandonner le régime par peur du chaos qui en résulterait". Des divisions, insiste-t-il, qui découragent par ailleurs la population qui hésite encore à rejoindre les manifestants et les soldats qui veulent faire défection.