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Syrie : union nationale ou transition... Bachar al-Assad reste au pouvoir !

Analyste à l'IRIS - journaliste à FRANCE 24 –

L’appel de Kofi Annan, samedi, à un "gouvernement d’union nationale pour une période transitoire" ne signifie pas la fin du régime baasiste. Au contraire ! La réunion de Genève revient à donner un énième délai à Bachar al-Assad alors que la guerre continue avec la même intensité.

Le régime profite d’une énième chance

Les pays présents à Genève à la réunion du Groupe d’action pour la Syrie se sont accordés sur un processus de transition politique "dirigé par les Syriens", à travers la constitution d’un gouvernement d’"union nationale" avec des représentants de l’opposition et de l’actuel gouvernement.

Dans son discours de clôture, Kofi Annan a appelé au désarmement des groupes armés et à la continuité de l’État et de ses forces de l’ordre "dans le respect des droits de l’Homme", excluant du même coup l’idée d’une rupture brutale avec le régime actuel.

Confiant, l’émissaire onusien assure que "le peuple syrien ne choisira pas quelqu’un qui a du sang sur les mains" alors que la Syrie entière est à feu et à sang ! On est encore loin de "l’ère post-Assad" appelée de ses vœux par Hilary Clinton à Genève. Et force est de constater que ce sont les "conditions" russo-chinoises qui ont triomphé, le ministre Sergueï Lavrov ayant réclamé la paternité de la version finale de l’accord.

Les questions soulevées par ce texte sont plus nombreuses que les réponses qu’il apporte. Ainsi, les groupes armés sur le terrain vont-ils accepter d’être représentés par des opposants exilés depuis des décennies ? Sinon, qui va les représenter ? Assad acceptera-t-il d’être dans le même gouvernement que les "terroristes" qu’il combat et vice versa ? Les autres composantes de l’opposition syrienne accepteront-elles l’hégémonie des Frères musulmans sur le Conseil national syrien (CNS) ? Qu’en est-il des comités de coordination locale ? S’effaceront-ils devant les combattants soutenus par le Qatar ou l’Arabie saoudite qui se livrent à une bataille d’influence en coulisse ?

La seule certitude, pour le moment, est que la majeure partie de l’opposition syrienne refuse les recommandations de Genève.

Le tour de force de Bachar al-Assad

Contrairement aux autres pays du monde arabe comme la Tunisie, l’Égypte, le Yémen ou la Libye, où les dirigeants ont opposé sans succès l'épouvantail de l’islamisme et du terrorisme face à un peuple opprimé, le président syrien a réussi un tour de force diplomatique.

Le conflit syrien est désormais perçu comme une guerre civile avec un facteur terroriste. On le voit aux diverses déclarations évoquant les "parties en conflit" ou la présence d’Al-Qaïda. Ainsi, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, déclarait-il récemment : "À défaut de sanctions pour le non-respect des accords, on ne pourrait exercer qu'une pression relative sur le régime syrien et les autres parties".

L’évolution du conflit vers une confrontation militaire ajoute à la confusion. En fournissant un alibi à la répression de plus en plus sanglante, elle sert les desseins du régime et de son chef, qui se pose en rempart contre le "terrorisme". Elle renforce également, de facto, les groupes armés parfois les plus extrémistes qui y gagnent la sympathie d’une population meurtrie. Paradoxalement, ces groupes, qui sont les plus organisés et les plus efficaces, inquiètent les différents services de renseignement occidentaux, qui freinent - parfois à juste titre - l’ardeur des politiques dans l’aide à la rébellion.

À défaut de s’unir face à Bachar al-Assad, l’opposition syrienne a toujours l’espoir d’unir ses efforts. Mais cette entreprise demeure très incertaine compte tenu des désaccords qui demeurent entre les différentes composantes de cette opposition et au sein même du CNS. Tout, désormais - y compris l’envenimement confessionnel du conflit -, concourt au maintien de l’actuel régime pour une durée indéterminée.

Il revient à Assad, en premier lieu, mais également à l’opposition, aussi diverse soit-elle, de tenir compte des recommandations de Genève ou de passer outre en poursuivant une entreprise guerrière fatale pour un pays qui fut pourtant le dernier vestige d’une société levantine désormais révolue.
 

Wassim NASR

Analyste, Proche et Moyen-Orient

Journaliste à FRANCE 24