
Dans la presse allemande, le Premier ministre français a indiqué que les eurobonds n'étaient plus une priorité pour Paris. L'intransigeance de Berlin sur la question a fini par avoir raison de l'un des engagements du président Hollande.
C'était l'un des principaux arguments de campagne de François Hollande : le rééquilibrage de la relation entre Paris et Berlin et la fin de la domination allemande. Le candidat socialiste reprochait au président sortant, Nicolas Sarkozy, de céder en permanence aux exigences de l'Allemagne et s'était engagé à tenir bon face à l'intransigeance d'Angela Merkel en matière de politique économique européenne. Un mois et demi après son élection, il semble que le temps des promesses soit révolu et que la realpolitik ait repris le dessus.
Les eurobonds, "un point de départ" repoussé à "plusieurs années"
C'est dans la presse d'Outre-Rhin qu'il faut chercher le premier signe du ralliement du nouveau pouvoir français aux thèses allemandes. Le germanophone Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a en effet accordé, jeudi 21 juin, un entretien au journal Die Zeit dans lequel il reconnaît que le mécanisme du mutualisation des dettes européennes - les euro-obligations, aussi appelées eurobonds -, ne verraient pas le jour avant "plusieurs années".
Le discours a bien changé depuis le premier sommet européen du président Hollande, le 23 mai dernier. Tout juste auréolé de sa victoire à la présidentielle, le nouveau chef de l'État avait alors fait de ces eurobonds le "point de départ" d'un processus d'intégration de la zone euro. Moins d'un mois plus tard, le principal cheval de bataille du candidat Hollande en matière de politique monétaire européenne semble donc enterré par son Premier ministre, ou tout du moins repoussé aux calendes grecques.
Jean-Marc Ayrault a beau réfuter les accusations d'alignement sur la position allemande, ses propos dans Die Zeit rappellent étrangement ceux d'Angela Merkel qui assurait, début juin, que les euro-obligations ne seraient envisageables que dans "de nombreuses années", au terme "d'un processus d'intégration politique en Europe". Le Premier ministre tente d'expliquer cette main tendue par la nécessité de parvenir à un compromis "gagnant-gagnant" avec Berlin.
Inflexible Angela Merkel
Si Paris a été contraint de faire marche arrière sur les eurobonds, c'est que la chancelière allemande a toujours catégoriquement refusé de céder aux pressions françaises. Une fin de non-recevoir qui a entraîné un début de brouille entre Paris et Berlin, paralyse l'Europe et inquiète le monde entier... C'est du moins ce qu'ont tenu à rappeler le président américain Barack Obama et les différents dirigeants présents, en début de semaine, au G20.
François Hollande avait bien tenté de mettre la pression sur Berlin en s'appuyant, notamment, sur le président du Conseil italien Mario Monti, qui s'était également prononcé en faveur des eurobonds. Un ralliement italien aux thèses de Hollande que Merkel avait pris comme une tentative de l'isoler. Mais, loin de faire céder la chancelière, l'axe Paris-Rome a renforcé l'intransigeance de celle qui est par ailleurs irritée par l'attitude du président français qui a reçu à l'Élysée les leaders de la gauche allemande, eux aussi portés par des rêves d'alternance dans leur pays.
Le quasi-abandon par Paris des eurobonds représente une indéniable victoire pour Angela Merkel, chantre de la rigueur. Le crucial sommet de l'Union européenne, les 28 et 29 juin à Bruxelles, devrait permettre de déterminer ce que Paris a obtenu en échange de sa spectaculaire reculade. À défaut d'eurobonds, on évoque la mise en place d'"eurobills", des titres de créances uniquement à court terme.