logo

Pourquoi Julian Assange cherche-t-il l'asile politique en Équateur ?

Pour échapper à son extradition vers la Suède, Julian Assange s’est réfugié mardi à l’ambassade d’Équateur à Londres dans l’espoir d’obtenir l’asile politique de Quito. Mais pourquoi avoir choisi ce pays d’Amérique latine ?

Nouveau coup de théâtre dans l’affaire Julian Assange. Au crépuscule d’une longue bataille judiciaire de 18 mois - dans laquelle le cyber-warrior s’était engagé pour contrer son extradition en Suède -, le fondateur de Wikileaks a créé la stupéfaction en demandant l’asile politique à l’Équateur après s’être réfugié mardi dans son ambassade à Londres.

A en croire ses avocats, qui tentent aujourd’hui de justifier son geste, se réfugier à l’ambassade équatorienne n’était pas une manœuvre destinée à échapper à la justice suédoise – qui souhaite l’entendre dans une affaire de crimes sexuelles. Il s'agissait plutôt de la seule façon dont disposait Assange pour échapper aux tribunaux américains. L'internaute fugitif, redoute en effet par-dessus-tout que la Suède ne l’extrade vers les États-Unis, un pays dans lequel il pourrait encourir la peine de mort pour "espionnage", depuis la mise en ligne via son site internet Wikileaks de centaines de milliers de documents confidentiels américains.

"L’ambassade la plus hermétique aux pressions américaines"

Mais pourquoi avoir choisi de se cacher dans l’ambassade équatorienne de Londres ? Parce que ce même pays avait déjà offert son soutien à Assange fin 2010, en lui proposant l’asile ? "Peut-être en effet que cette main tendue n’a pas été oubliée par le fugitif", estime Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste de l’Amérique latine à l’institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Mais selon l’expert, c’est surtout en raison de la position férocement anti-américaine de Quito que Julian Assange s’est tourné vers ce "sanctuaire diplomatique".

"Il est allé dans la seule ambassade qui ne risque pas de le remettre aux États-Unis. Celle qui est la plus hermétique aux pressions américaines. Il ne pouvait pas, par exemple, se réfugier dans l’ambassade mexicaine ou colombienne. L’une est membre de l’ALENA [Accord de libre-échange nord-américain], l’autre est un grand allié des États-Unis. Elles n’auraient pas hésité à le remettre à Washington au bout de quelques jours", développe-t-il.

Rafael Correa, le chef de l'État équatorien, n’a en effet jamais caché son mépris pour les États-Unis, pays dont il considère l’influence politique et économique désastreuse pour son pays. "Dernièrement, Correa n’a pas digéré l’affaire Chevron [du nom de cette société pétrolière américaine responsable d’un désastre écologique en Amazonie, NDLR]. Et puis, l’Équateur est membre de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), un groupe d’États très critique à l’égard de la présence américaine dans la région", poursuit le spécialiste. Il y a deux mois, Quito avait même refusé de se rendre au Sommet des Amériques, en Colombie, à cause de l’absence de Cuba "pays qui n’avait pas été invité".

"Bienvenue au club des persécutés"

Outre ces raisons politiques, la décision de Julian Assange de se tourner vers l'Équateur pourrait-elle être également liée à l’affect ? Car le cyber-warrior et le président socialiste équatorien ne sont pas vraiment des inconnus l’un pour l’autre. Le 22 mai dernier, Julian Assange, alors animateur d’un talk show pour la Russia Today - une chaîne russe en langue anglaise parrainée par le Kremlin -, avait interviewé depuis Londres Rafael Correa. Ce dernier s’était, semble-t-il, pris d’affection pour cet homme "persécuté, calomnié", victime, tout comme lui, estime-t-il, d’une campagne de lynchage menée par les États-Unis. "Bienvenue au club des persécutés", lui avait-il notamment lancé.

"Pour Correa, Assange incarne à sa façon une forme de résistance aux États-Unis", ajoute le spécialiste de l’IRIS. Et qu’importe si la révélation en 2010 des câbles diplomatiques de Wikileaks n’avait pas épargné l’Équateur, accusé de corruption et d’atteinte à la liberté de la presse. "L’opinion équatorienne a quelque peu oublié l’existence de ces révélations", estime Jean-Jacques Kourliandsky. "Seul compte maintenant le combat symbolique que pourrait mener l’Équateur contre Washington grâce à cette nouvelle arme diplomatique", conclut le chercheur. A condition, bien sûr, que Quito donne une suite favorable à la requête de Julian Assange...