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, envoyé spécial à Hénin-Beaumont – La campagne électorale des législatives est entrée dans sa dernière ligne droite, notamment à Hénin-Beaumont où Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen se livrent une bataille médiatico-politique acharnée. Reportage.

Petites maisons vétustes en briques rouges, rues presque désertes et commerces aux portes condamnées : bienvenue à Hénin-Beaumont. Cette petite ville de 27 000 habitants, nichée dans un bassin minier désindustrialisé et sinistré où le taux de chômage dépasse les 15%, est devenue le théâtre d’un affrontement médiatico-politique entre deux des ex-candidats à l'élection présidentielle. Marine Le Pen face à Jean-Luc Mélenchon, Front national contre Front de gauche, un duel des extrêmes aussi attendu que médiatisé, au grand dam des 12 autres candidats à la députation qui peinent à se faire entendre dans cette très convoitée 11e circonscription du Pas-de-Calais. 

Sur le terrain, les deux camps, qui ont éclipsé leurs autres adversaires, se rendent coup sur coup. Affiches décollées, tracts déchirés, banderoles arrachées : les rues de la ville portent les stigmates de la bataille électorale qui fait rage entre le FN et le Front de gauche. La semaine dernière, un faux tract distribué par l'équipe frontiste, représentant le fondateur du Parti de gauche sous la mention "Votons Mélenchon !" écrit en arabe, a suscité une vive polémique de l’aveu des militants de chaque bord. 

"Parachutage opportuniste"
 
"La bataille est rude, car l’équipe de Mélenchon mène une campagne aussi futile qu’agressive. De notre côté, malgré les provocations, nous restons concentrés sur notre campagne de proximité pour l’emporter", assure Louis, un jeune militant frontiste qui s’affaire à plier des tracts dans la permanence de son parti.

"Nous faisons du porte à porte, nous sillonnons les marchés. Deux fois par semaine, nous remplissons les 51 000 boîtes aux lettres de la circonscription, dont les 12 000 d’Hénin-Beaumont en deux petites heures", explique-t-il tout en veillant à garder la même cadence de pliage. De retour à la permanence du FN, Steeve Briois, le secrétaire général du parti et suppléant de la candidate frontiste, dirige les troupes présentes dans le QG et donne ses dernières instructions à deux militants qui se préparent à aller tracter. "Nous sommes très confiants, le parachutage opportuniste de monsieur Mélenchon a été sans effet. Les électeurs ne sont pas dupes, ils savent qu’il n’est venu ici que pour défier Marine Le Pen devant les caméras", souligne le grand artisan de la banalisation du FN auprès d'une ville historiquement ancrée à gauche.

Natif d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois a échoué de peu dans sa conquête de la mairie de la ville en 2009 - 500 voix d’écart avec le candidat de la gauche. "La présidentielle a changé la donne puisque les Français ont découvert une Marine Le Pen dévouée à défendre leurs intérêts, et surtout localement. Nous sommes encore plus forts que par le passé tandis que la gauche s’est totalement décrédibilisée dans la région avec ses comportements mafieux", assène-t-il en référence aux déboires judiciaires de l’ancien maire socialiste de la ville, Gérard Dalongeville, mis en examen en 2009 et placé en détention pour détournement de fonds publics notamment.
"Jouer la gagne face à l’extrême droite"
Quelques centaines de mètres plus loin, place Jean Jaurès, des militants du Front de gauche discutent devant la permanence drapée de rouge de Jean-Luc Mélenchon, tandis que certains d’entre eux distribuent des tracts aux passants. Très optimiste quant au verdict des urnes attendu le 17 juin, Véronique, une militante communiste âgée de 37 ans, affirme "jouer la gagne face à l’extrême droite". Selon elle, Jean-Luc Mélenchon est l’homme de la situation pour empêcher Marine Le Pen de l’emporter. "On est plein d’espoir depuis son arrivée sur le territoire. Si le FN insiste beaucoup sur son parachutage, il oublie de dire que sa candidate est également une parachutée puisqu’elle n’est à Hénin-Beaumont que depuis 2007", argumente-t-elle avec enthousiasme.
L’enjeu est de taille pour Le Pen et Mélenchon

Marine Le Pen, qui est arrivée en tête à Hénin-Beaumont au premier tour de la présidentielle avec 31,42 % des voix, veut confirmer ce score et concrétiser la percée enregistrée depuis plusieurs années dans cette ville par son parti.

Jean-Luc Mélenchon, donné vainqueur au deuxième tour des législatives selon un sondage Ifop publié par le JDD le 20 mai, cherche, lui, à empêcher la candidate frontiste d'obtenir un siège à l’Assemblée nationale.

Attablés à une terrasse de café, d’autres militants "mélenchonistes" commentent le débat houleux, organisé par France 3 Nord-Pas-de-Calais qui a opposé samedi 2 juin leur favori à quatre autres de ses adversaires, dont la leader frontiste. Les deux "stars" de la circonscription se sont notamment affrontées sur l’affaire du faux tract Mélenchon. "Cette affaire a perturbé certains électeurs, mais nous avons rapidement répliqué en portant plainte et en expliquant la supercherie", peste Emmerick, en triturant les dreadlocks qui lui tombent au niveau des épaules. "Hénin-Beaumont n’est qu’un laboratoire pour le FN, explique-t-il. Je n’en veux pas à ceux qui ont voté pour ce parti, mais je leur dit 'réfléchissez', notre ville était, est, et restera un bastion de la gauche."
Confiance et mobilisation sont les maîtres mots des deux Fronts qui se font face dans cette ville sous le regard des médias français et étrangers qui y ont dépêché un nombre important de journalistes. Une agitation médiatique, qui toutefois laisse indifférents certains habitants, quand d’autres n’hésitent pas à afficher leur agacement.
"Vivement que cette campagne et le tintamarre qui l’accompagne se terminent, on en a assez d’entendre parler négativement de notre ville, des Le Pen et des Mélenchon", peste Claude, un retraité bedonnant qui peine à tirer son caddie. "C’est sympa cette bagarre de coquelets, oui certes pour vous les reporters de Paris, mais nous, ça nous sert à rien." Et de conclure avec un inimitable accent ch'ti : "Après l’élection, on n’entendra plus parler de tout ce cirque et celui qui aura gagné finira pour nous trahir comme ceux qui l’ont précédé".
Les candidats de la 11e circonscription du Pas-de-Calais :
Daniel CUCCHIARO (ECO)
Marine TONDELIER (EELV)
Philippe KEMEL (PS)
Murielle RICHET (ECO)
Mohamed BOUSNANE (Autres)
Séverine DUVAL (Extrême Gauche)
Pierre ROSE (Extrême Gauche)
Jean URBANIAK (Centre pour la France)
Rachida SAHRAOUI (Parti Radical)
Michèle DESSENNE (Extrême Gauche)
Marine LE PEN (FN)
ean-Luc MELENCHON (FG)
Michel VAST (Divers Droite)
Nathalie HUBERT (Extrême Gauche)