Relâché mercredi après avoir passé plus d'un mois aux mains des Farc, en Colombie, le journaliste de FRANCE 24 a raconté sa détention au cours d'une conférence de presse à Bogota, jeudi. Il est attendu en France vendredi matin.
Roméo Langlois est apparu souriant et détendu à la conférence de presse qu’il a tenue à l’ambassade de France à Bogota, ce jeudi, au lendemain de sa libération. Le journaliste de FRANCE 24 a été remis mercredi après-midi à une mission humanitaire de la Croix-Rouge, 33 jours après avoir été capturé par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), le 28 avril dernier, dans le sud du pays. Il effectuait un reportage sur les opérations anti-drogue aux côtés de l’armée.
it"Il s’est agit d’une prise de risque professionnelle de ma part, que j’assume entièrement, a déclaré le jeune homme, devant ses confrères. Il n’y a eu aucune erreur de manœuvre de la part de l’armée. Le général qui m’a autorisé à faire ce reportage s’est fait taper sur les doigts, mais il n’y est pour rien. On cherche parfois des coupables, mais cela fut un fait de guerre. J’espère que les têtes ne vont pas tomber [au sein de l’armée]. Cette affaire a été trop politisée."
Après avoir rendu hommage aux militaires tués et blessés au cours de l’opération, Roméo Langlois a raconté en détails la bataille entre les forces colombiennes et les guérilleros, au cours de laquelle il a été capturé par les Farc. "J’ai vu des gens tomber sous mes yeux. Ça a été très dur pour moi, je n’imagine pas à quel point ça l’est pour leurs proches", a-t-il déclaré.
La bataille s’est déroulée à proximité de ce que l’armée soupçonnait être un laboratoire clandestin de drogue. "Tout à coup, on a entendu ‘papapapapapa’, et on s’est tous jeté à terre, raconte le reporter. Ça tirait de partout, de tous les côtés […]. On s’est caché dans les buissons et c’est là que ça a mal tourné. On était aplati à terre, on essayait d’esquiver les balles, un groupe de guérilleros nous tirait dessus."
Plusieurs militaires ont été tués au cours de l’opération. Roméo Langlois, lui, s’en est relativement bien sorti. Blessé au bras, il a bénéficié de soins médicaux rudimentaires mais efficaces au cours de sa détention : "Je vais très bien, j’ai juste besoin d’une radio du bras parce que j’ai pris une balle dans le coude. Apparemment, l’os n’a pas été touché, tout a cicatrisé parfaitement. Parfois, c’était un peu de la chirurgie au couteau suisse, avec les moyens du bord. Mais les gens ont l’habitude de traiter des blessures par balle", racontait-il un peu plus tôt sur l’antenne de FRANCE 24 à son arrivée à l’ambassade de France.
Libéré le jour du 48e anniversaire des Farc, le jeune homme de 35 ans a raconté, non sans humour, l’état d’esprit de ses ravisseurs le jour de sa libération : "Ils étaient contents. Il y avait des paysans au village, des journalistes, on tuait des vaches. Ils avaient acheté des caméras pour l’occasion. Ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas connu ça !"
Le show médiatique des Farc
itLe correspondant de FRANCE 24 a dénoncé le "show médiatique" orchestré par les Farc autour de sa captivité, leur reprochant de s'être livrées à un "jeu politique". "Les Farc ont subi de nombreux revers ces dernières années et elles se sont dit qu’avec un journaliste français, il y avait un bon coup à faire. La libération d’Ingrid Betancourt a blessé leur orgueil. Alors mon enlèvement est un coup de pub pour montrer qu’ils sont encore bien là", analyse le journaliste.
Fondée en 1964, la guérilla compte toujours quelque 9 000 combattants repliés dans les régions de montagne et de forêt. Elle s’était engagée en février dernier à renoncer à la pratique des enlèvements contre rançon. Ingrid Betancourt, femme politique franco-colombienne, avait été retenue pendant plus de six ans avant d’être relâchée en 2008.
Les Farc ont présenté des excuses au journaliste français pour l’avoir considéré comme un prisonnier de guerre. Excuses acceptées, a souligné Roméo.
Journaliste de passion
itCapturé pendant le tournage d’un reportage sur une opération anti-drogue dans le sud de la Colombie, Roméo Langlois n’a pas perdu ses réflexes de journaliste. Dès les premiers jours de captivité, il ne cessera de réclamer une caméra, qu’il obtiendra au bout de trois semaines. Il a ainsi pu filmer l’un des chefs guérilleros du Front 15, une des unités régionales de la rébellion, l’interrogeant sur les raisons de sa détention, sur le conflit colombien ou la culture de la coca.
Le journaliste, qui apparaît camescope à la main sur les images de sa libération, est d’ailleurs plus que jamais déterminé à poursuivre le reportage et à couvrir la Colombie, pays où il est exerce depuis une dizaine d’années. Il envisage néanmoins de rentrer vivre en France dans les mois à venir.
"Il n’y a pas beaucoup de journalistes qui couvrent le conflit colombien, dans la jungle, dans les zones compliquées où il y a des affrontements. Les médias colombiens n’ont pas beaucoup de latitude pour parler, il y a beaucoup d’autocensure. Donc les médias internationaux et indépendants ont leur rôle à jouer."
Quant aux accusations de l’ancien président colombien Uribe, qui lui a demandé sur Twitter des précisions sur sa relation exactes avec les Farc, le journaliste les qualifie de "très mauvais goût" : "Mes relations avec les Farc ont été professionnelles pendant dix ans. Puis celle d’un otage envers ses geôliers ce dernier mois."
"On est très, très contents"
À l’annonce de sa libération mardi, la mère de Roméo, Aline Langlois, qui a visionné les images dans les locaux de FRANCE 24, ne pouvait cacher son bonheur : "On est très, très contents. On sentait que ça commençait à bien tourner depuis quelques jours", a-t-elle expliqué.
Après plusieurs journées d’attente et de négociations, les Farc s’étaient en effet engagées à libérer le journaliste mercredi 30 mai, dans un communiqué publié sur le site internet du Front 15.
Alain de Pouzilhac, PDG de l’Audiovisuel Extérieur de la France, qui a rejoint les équipes de FRANCE 24 présentes en Colombie depuis plusieurs semaines, a d’ailleurs déclaré "que les Farc ont tenu leur parole", avant de s’associer "au bonheur de la famille de Roméo, de ses amis et de ses proches."
Le président François Hollande s’est aussi félicité de ce dénouement heureux via un communiqué mercredi soir : "C’est un moment de très grande joie et je m'associe pleinement au bonheur et au soulagement de sa famille, de ses proches ainsi que de la rédaction de FRANCE 24. "
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a salué la remise en liberté du journaliste "qui a vécu cette épreuve avec courage", et a rendu hommage aux autres Français toujours maintenus en otage dans le monde.