![Les salaires des patrons des entreprises publiques dans le viseur de l'État Les salaires des patrons des entreprises publiques dans le viseur de l'État](/data/posts/2022/07/17/1658053492_Les-salaires-des-patrons-des-entreprises-publiques-dans-le-viseur-de-l-Etat.jpg)
Le gouvernement français a remis à l'ordre du jour la promesse de campagne de François Hollande de limiter la rémunération des salaires des PDG des groupes publics. Une mesure symbolique qui cache un vrai débat sur le rôle des entreprises publiques.
Henri Proglio (EDF), Luc Oursel (Areva) ou Jean-Paul Bailly (La Poste) : gare à vos rémunérations ! Le nouveau gouvernement socialiste semble tenir à la promesse de campagne du président François Hollande d’interdire aux patrons des groupes publics de toucher plus de vingt fois le salaire le plus faible dans leur entreprise. Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, a confirmé, lors d’un entretien accordé mardi 29 mai au magazine "L’Express", que cet objectif “d’exemplarité des élites économiques” était en bonne place sur son agenda et qu’il concernerait même les “contrats en cours”.
Concrètement, pour le patron d’EDF, Henri Proglio, l’application de cette règle reviendrait à une baisse de 68 % de sa rémunération. Il ne toucherait plus que 496 800 euros contre 1,55 million d’euros actuellement, a calculé le quotidien "Libération" dans son édition de mercredi 30 mai (article en accès payant).
En revanche, si au sein d’EDF la différence de rémunération entre le patron et le salarié le moins bien loti atteint des sommets avec un rapport de 1 à 64, à la SNCF, Guillaume Pepy ne gagnerait “que” 15 fois plus que le cheminot de base... et ne serait donc pas concerné par ce nouveau plafonnement. Voire il pourrait même prétendre à une augmentation de salaire assez conséquente.
Dans la droit ligne de Jean-Marc Ayrault, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, a également adopté, mercredi 30 mai, une posture combative contre les très gros salaires dans les hautes sphères des entreprises publiques. Dans un souci de “limitation de l’échelle salariale”, il a ainsi annoncé que l’État s’opposerait au versement d’une prime de non-concurrence de 400 000 euros accordée par Air France à son ancien dirigeant, Pierre-Henri Gourgeon. Le ministre a jugé que l’ancien PDG de la compagnie aérienne a contribué aux “graves difficultés économiques d’Air France” et que le versement de cette prime serait “indécent”.
Service public vs profits ?
“Ces annonces traduisent une volonté de l’État français de lutter contre l’étirement des salaires”, explique à FRANCE 24 Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Des mesures plus symboliques qu’autre chose, reconnaît ce spécialiste des politiques budgétaires, car elles n’auront pas d’impact concret important sur les comptes de l’État.
“Mais ce qui est symbolique peut marquer un tournant politique important”, souligne-t-il. Cette posture de l’État ordonnant aux patrons du secteur public de se serrer la ceinture revient en fait à tenter de “remettre la mission de service public de ces entreprises en tête des priorités de leurs dirigeants”, analyse pour FRANCE 24 Pascal de Lima, enseignant en économie à Sciences-Po Paris.
Un renversement des objectifs par rapport au quinquennat précédent où les groupes publics devaient être gérés comme des entreprises privées en cherchant la rentabillité avant tout. Dans cette optique, les fortes augmentations de salaire pouvaient se justifier car elles venaient “en récompense accordée à un dirigeant qui a pris des risques importants permettant d’augmenter la rentabilité de son entreprise”, explique Pascal de Lima.
Mais entre rentabilité à tout crin et limitation stricte des salaires, il existerait, selon lui, un juste milieu. “Certains exemples, notamment le secteur des télécommunications aux États-Unis, montre que le service au public peut être mieux géré par des entreprises privées que par des groupes publics”, rappelle Pascal de Lima. Le tout serait, selon lui, de bien définir les objectifs de services publics dans le contrat entre l’État et l’entreprise qu'elle soit publique ou privée.