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Au "club des Corses" de Dakar, on ne veut pas d’un "cul blanc" pour député

, envoyé spécial au Sénégal – Quatorze candidats briguent le poste de député de la 9e circonscription des Français de l’étranger à l'occasion des législatives. Dans un club français de Dakar, personne ne veut d’un aspirant débarqué de France et ne connaissant pas l’Afrique.

Au "club des Corses" de Dakar, le patron c’est Michel Mondoloni. Professeur de mathématiques agrégé, il a quitté l'île de Beauté au début des années 1980, "car la Corse en hiver c’est sinistre". Depuis 1986, il est en poste dans un des lycées français de la capitale sénégalaise, "après avoir été prof au Maroc et au Gabon sous Omar Bongo, à l’époque du lancement des premières classes préparatoires". Les week-ends et les jours fériés, il se consacre à l’UAC, l’Union amicale corse, "que les mauvaises langues appellent l’union des alcooliques de la Corniche" (route du quartier du plateau où est situé le club, ndlr)". Petit à petit, ce club créé par des Corses est devenu le lieu de rassemblement d’une partie de la communauté française de Dakar, "celle qui a un casier judiciaire", lance-il dans un éclat de rire.

En ce lundi de Pentecôte, une tombola y est organisée en faveur de l’AEFS, l’Association d’entraide des Français du Sénégal. Dès les premières heures du jour, c’est le défilé des habitués dans "ce petit coin de France". Certains devisent au comptoir avec le "chef" avant de se lancer dans une partie de pétanque, d’autres vont boire leur pastis ou leur petit verre de blanc sur la terrasse ombragée, qui domine le golfe de Dakar et offre une vue imprenable sur l’île de Gorée.

Avoir un député, "un privilège"

"Ce sera un privilège d’avoir un député à l’Assemblé nationale" se félicite Michel Mondoloni, "mais il faut qu’on soit nombreux à voter [ les 3 et 17 juin, ndlr] pour ne pas qu’ils nous le retirent à la prochaine réforme". À force de discuter avec les clients, il connaît par cœur les problèmes auxquels sont confrontés les Français de l’étranger. "Les impôts, les retraites, l’éducation, c’est sur ces thèmes qu’il faut que notre député se positionne". Des préoccupations intégrées par le parti socialiste, qui a fait de la réduction des frais de scolarité l’un des arguments forts de sa campagne à l’étranger, en proposant d’instaurer un système de bourses en fonction des revenus de la famille. "Mais la France n’a pas les moyens de vérifier le patrimoine des gens qui vivent ici. Moi j’ai vu des millionnaires toucher des aides publiques…"

Michel Mondoloni pense lui surtout à la retraite. "Je vais arrêter d’enseigner dans un an, j’aurai alors bien mérité ma retraite française d’environ 3 000 euros". Cette somme lui aurait permis d’être "riche comme Charles Aznavour" au Sénégal, mais l’État sénégalais taxe très fortement les retraites, à près de 60 %. "Je vais devoir continuer à vivre ici mais me domicilier en France. Ca ne va pas changer grand-chose à mon quotidien, je vais en Corse plusieurs fois par an."

La chasse aux parachutés et aux "culs blancs"

Concernant la couleur de son vote, il hésite toujours entre un dissident de l’UMP, Karim Dendène, et le candidat du Parti socialiste, Pouria Amirshahi, "un mec plutôt pas mal bien qu’il ne soit pas du coin". "Il doit d’ailleurs venir donner une conférence au club, mais il est en retard. C’est le problème avec les parachutés, ils sautent rapidement sur la circonscription mais ils mettent du temps à se poser", ironise-t-il. Les parachutés et les "culs blancs", les fraîchement arrivés, c’est tout ce que les clients du club corse exècrent.

Véronique Brigaud, la suppléante de Karim Dendène, est une habituée du club. Cette Auvergnate d’origine vit au Sénégal depuis des années. Elle assure avoir vu passer nombre de candidats ne connaissant rien à l’Afrique. "Nous nous sommes désolidarisés de l’UMP car la candidate [Khadija Doukali, ndlr] est une parachutée, à mille lieues des préoccupations des gens ici. Un Nantais pourrait à la rigueur être parachuté à Quimper, mais comment une femme désignée à Paris peut-elle connaître le quotidien des gens de Dakar ?".