"Amour", de l'Autrichien Michael Hanneke, réunit deux légendes du cinéma, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant (photo). Le film raconte l'histoire d'un couple confronté à l'âge et au triste spectacle de sa décrépitude.
AFP - Avec "Amour", l'Autrichien Michael Haneke remporte dimanche sa seconde Palme d'or pour un conte douloureux sur la difficile vieillesse d'un couple réunissant deux légendes à l'écran et sur la Croisette, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant.
L'héroïne de "Hiroshima mon amour" n'était pas revenue ici depuis 53 ans. Lui depuis 1998 avec son rôle dans le film de Patrice Chéreau "Ceux qui m'aiment prendront le train".
Seul Michael Haneke, déjà Palme d'Or 2009 pour "Le Ruban blanc" et que Jean-Louis Trintignant a qualifié de l'"un des plus grands cinéastes du monde" a pu sortir l'acteur âgé de 81 ans de sa retraite pour le projeter dans le rôle de Georges, ce mari toujours amoureux et totalement dévoué à Anne, son épouse qui s'en va peu à peu.
"Arrivé à un certain âge, on est obligatoirement confronté à la souffrance de quelqu'un qu'on aime", a justifié le réalisateur, pour la dixième fois en sélection à Cannes.
Avec sobriété mais précision, sa caméra accompagne les moindres gestes et dans les plus petits replis du corps souffrant cette vie qui se délite et s'enfuit. Sans voyeurisme ni complaisance, sans musique non plus, en se gardant de tirer le spectateur par la manche pour lui dire comment souffrir et quand pleurer.
"Surtout pas de sentimentalité", avait-il lancé pour toute consigne à Emmanuelle Riva. "Ca a déligoté mes craintes", a raconté cette dernière, évoquant un chemin difficile vers ce personnage qui perd d'abord sa mobilité, puis l'élocution et s'enfonce lentement dans le brouillard de sa mémoire.
"J'avais en moi une certaine conviction que je pouvais me mettre à la place d'Anne et je suis rentrée dans ce personnage de façon très puissante".
Toute pudeur abandonnée à l'objectif - à 85 ans, elle apparaît en chemise de nuit, partiellement dévêtue dans sa douche, dans les gestes intimes - elle savait, dit-elle qu'elle n'entrait pas "dans un univers de beauté".
"Michael Haneke ne voulait jamais que ce soit sentimental ou pleurnichard, mais elle, ça la démolissait: elle mettait une demi-heure à s'en remettre", a nuancé Jean-Louis Trintignant, couvant avec bienveillance sa partenaire.
Pour l'acteur, qui fut Prix d'interprétation à Cannes en 1969 pour "Z" de Costa-Gavras, les exigences d'Haneke étaient éprouvantes. "Je n'ai jamais travaillé avec un metteur en scène aussi exigeant et franchement je ne le conseille à personne", a-t-il lancé de sa voix si identifiable, le timbre malicieux.
Isabelle Huppert est la fille de ce couple, reléguée à distance par sa vie londonienne et par son père, qui souhaite le minimum d'intrusion dans ce huis clos.
L'actrice a ainsi retrouvé le cinéaste avec lequel elle a décroché l'un de ses deux prix d'interprétation cannois pour "La Pianiste" en 2001: "Il est très exigeant, mais on est très largement récompensé: j'aime me voir dans les films de Haneke. Il y a une réciprocité absolue dans l'aventure".
Même Jean-Louis Trintignant, qui "préfère le théâtre parce qu'on ne s'y voit pas", a aimé se voir dans ce film, pour la première fois de sa vie.