La finale de l'Eurovision, la grand-messe musicale du continent européen, se tiendra samedi 26 mai à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan. L'occasion pour l'opposition d'attirer l'attention sur la nature autoritaire du régime du président Ilham Aliev.
La finale de la 57e édition du Concours de l'Eurovision, la grand-messe européenne de la chanson, se tiendra samedi 26 mai à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan. Une ancienne république soviétique du Caucase, gorgée d’hydrocarbures et dirigée d’une main de fer par la dynastie Aliev depuis 1969. Le président Ilham Aliev, qui a succédé à son père Heydar en 2003 et obtenu par référendum la levée de la limitation du nombre des mandats présidentiels consécutifs en 2009, mise énormément sur cet évènement aussi populaire que kitch.
Une affaire de famille
Dès le lendemain de
la victoire du duo azerbaïdjanais d'Ell et Nikki lors du précédent concours, ce qui impliquait donc l’organisation de cette édition dans le pays, le président Aliev a affiché la volonté de polir l’image sulfureuse de son régime autoritaire. Cet événement "signale la réémergence de mon pays au sein de la communauté internationale", s’enthousiasmait alors le ministre des Affaires étrangères, Elmar Mammadyarov, dans les colonnes de la presse anglo-saxonne. Et pour s’assurer du bon déroulement de l’évènement, le comité d'organisation de l'Eurovision a été confié à la Première dame, et l’animation du show de samedi soir au gendre du couple présidentiel. Même le concours est une affaire de famille en Azerbaïdjan.
Toutefois, la vaste campagne de communication et de promotion publicitaire déployée par le pouvoir n’a pas détourné l’attention de la presse européenne
qui s’est focalisée sur la réalité d’un régime infréquentable, constamment épinglé pour ses violations des droits de l'Homme. En relayant notamment, au grand dam des autorités locales, les alertes émises par des ONG : Reporters sans Frontières a classé l'Azerbaïdjan 162ème sur 179
en matière de liberté de la presse, et Amnesty International,
dans une synthèse récente, fait état "de nombreux cas d'agression, de chantage et d'emprisonnement concernant des journalistes et des défenseurs des droits humains".
Mi-mai, plusieurs ONG internationales de défense des droits de l’Homme (Human Rights Watch, Article 19, Amnesty International, etc.) ont exigé collégialement que l’European Broadcasting Corporation, organisateur du concours, réclame de Bakou "le respect des droits fondamentaux en Azerbaïdjan" et "la fin de la répression contre la presse". En vain, critiqué de toutes parts, le pouvoir dénonce une "campagne diffamatoire", tandis que les promoteurs de l'Eurovison regrettent "la politisation d’un évènement festif".
Rassemblements dispersés, opposants brutalisés
"La fausse campagne positive de relations publiques des autorités azerbaïdjanaises n'a pas fonctionné", indique à l’AFP Rasul Jafarov, du mouvement local Chanter pour la démocratie, créé à l'occasion de l'Eurovision pour dénoncer les abus du régime. Selon HRW, cinq journalistes, un blogueur, deux défenseurs des droits de l'Homme et au moins dix opposants sont actuellement emprisonnés pour des motifs politiques.
Autant d’évènements qui n’ont guère perturbé la famille Aliev. Outre la traque des manifestants, elle se concentre surtout sur la soirée de samedi, qui pourrait être potentiellement suivie en direct par 125 millions de téléspectateurs. L’Azerbaïdjan aura consacré un budget de 25 millions d’euros à cette occasion. Un pays qui pointe à la 76e place du classement des Indicateurs de développement humain.