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Ce dimanche, onze millions de Grecs sont appelés à renouveler leur Parlement dans le cadre de législatives anticipées. Dans un pays ravagé par la crise, les extrêmes devraient, selon les sondages, effectuer une percée historique.

Avant même la tenue du scrutin, les élections législatives grecques qui se tiennent dimanche 6 mai ont d’ores et déjà une portée historique. La crise que traverse le pays depuis deux ans a fait exploser le paysage politique, traditionnellement ancré dans le bipartisme depuis la chute de la dictature des colonels en 1974.

Depuis le début de la crise, le taux de chômage a grimpé à 21 % de la population active et la moitié des moins de 25 ans sont sans emploi. Une faillite sociale que les électeurs semblent, selon les sondages, vouloir directement imputer aux deux partis traditionnels grecs : le Pasok (gauche) et la Nouvelle Démocratie (ND, droite). L’alliance en novembre 2011 des deux mastodontes politiques, qui ont conjointement accepté la mise en œuvre des plans de rigueur drastiques de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, a fini d’acter le désamour de la population pour les partis traditionnels.

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" Des urnes explosives"
Législatives grecques : la tentation des extrêmes

"Propos démagogues"

Selon les dernières estimations, les deux partis, qui avaient obtenu 77 % des voix lors des dernières législatives en 2009, pourraient recueillir moins de 40 % des suffrages ce dimanche : un peu plus de 20 % pour la Nouvelle Démocratie et environ 17 % pour le Pasok. Une faille dans laquelle de nombreuses formations se sont engouffrées. Au total, 32 partis briguent les 300 sièges parlementaires. Un record. Et dix d’entre eux semblent en position d’obtenir une représentation au sein de l’hémicycle, ce qui serait, là aussi, historique.

Historique, mais surtout révélateur du malaise du pays, explique Ilios Yannakakis, historien et géopoliticien spécialiste de la Grèce : "Cette prolifération des partis, c’est, à long terme, la mise à mort de l’équilibre gauche-droite qui a toujours prévalu en Grèce. Mais le véritable drame, c’est que les Grecs montrent vraiment qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent et sont tentés par les propos démagogues des extrêmes, qui fustigent l’immigration et l’Europe".

Cet éparpillement annoncé des votes devrait en tout premier lieu profiter à la gauche radicale. Avec 13 % d’intentions de vote, le parti Syriza pourrait tripler ses scores de 2009, où il n’avait recueilli que 4,6 %. Et hors Pasok, l’ensemble de la gauche, dont les deux autres représentants sont le KKE, dernier parti communiste stalinien d’Europe, et la Gauche démocratique, pro-européenne et plus modérée, pourraient constituer un véritable contre-pouvoir avec près de 30 % de représentation.

L'extrême droite, réceptacle de la colère des Grecs

Mais la gauche n’est pas la seule grande gagnante annoncée du scrutin. L’extrême droite aussi surfe sur les effets de la crise. Selon les derniers sondages, l’ensemble de la droite nationaliste pourrait enregistrer jusqu’à 15 % des suffrages, un chiffre bien plus élevé que les 5,6 % revendiqués en 2009 par le Laos, alors seul représentant de cette frange de l’échiquier politique.

Une progression qui s’explique par l’émergence de nouvelles forces politiques à la droite de la droite : Grecs indépendants, une formation populo-nationaliste, et Aube dorée (Chryssi Avghi), un parti xénophobe et violent que beaucoup associent au néo-nazisme. Créditée en 2009 de 0,23 % des votes, l'Aube dorée semble avoir trouvé les mots justes pour s’ériger en réceptacle de la colère de l’électorat. Il pourrait engranger plus de 5 % des voix et et ainsi se retrouver avec une quinzaine de députés.

L’éparpillement du vote contestataire devrait tout de même permettre aux partis traditionnels de conserver la main sur le Parlement. Pour la majorité des analystes, dont Ilios Yannakakis, une nouvelle coalition ND-Pasok devrait émerger du scrutin, notamment grâce aux 50 sièges supplémentaires donnés au parti vainqueur. Dans cette configuration, le leader de la ND, Antonis Samaras, pourrait être porté à la tête du gouvernement.

Mais cette fois, la marge de manœuvre de la coalition devrait être limitée. Car en dépit des nombreuses divergences de l’opposition multicolore qui semble se dessiner, tous se rassemblent sur un point : le refus sans conditions du mémorandum signé entre la Grèce et la troïka (FMI, Commission européenne, Banque centrale européenne), qu’ils accusent d’appauvrir la population sans apporter de solutions au pays. Reste que pour Ilios Yannakakis, "la constitution d’un Parlement légitime, sorti des urnes, quelque soit sa couleur, devrait permettre d’apaiser réellement les esprits. Cette élection est, en quelque sorte, un médicament".