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Le directeur de la télévision Nessma condamné pour la diffusion de "Persépolis"

Accusé de blasphème à la suite de la diffusion de "Persépolis" par sa chaîne, en octobre dernier, Nabil Karoui a été condamné à une amende de 1 200 euros. Une sanction qualifiée d'attaque contre la liberté d'expression par son avocat.

REUTERS - La justice tunisienne a prononcé jeudi une amende de 2.400 dinars (1.200 euros) à l'encontre de Nabil Karoui, le directeur de la télévision privée Nessma accusé
de blasphème après la diffusion en octobre de "Persepolis".

Dans ce film d'animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud figure une représentation d'Allah, ce qu'interdit l'islam.

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"Des organisations, comme RSF, ont immédiatement condamné ce jugement."
Le directeur de la télévision Nessma condamné pour la diffusion de "Persépolis"

Nabil Karoui, qui risquait jusqu'à trois ans de prison, a été condamné pour atteinte à l'ordre public et aux valeurs morales.

La diffusion, le 7 octobre 2011, peu avant les législatives, du film franco-américain maintes fois primé avait provoqué de vives tensions entre partisans de la laïcité et islamistes en Tunisie.

Le syndicat des journalistes dénonce une régression des libertés

Le Syndicat des journalistes tunisiens (Snjt) a dénoncé "une importante régression des libertés" acquises depuis la chute de Ben Ali en janvier 2011, dans un rapport publié jeudi à l'occasion de Journée mondiale de la liberté de la presse.

"La violence et les tiraillements politiques, la passivité et le silence du gouvernement face à l'émergence de milices responsables de troubles dans le pays sont les principales causes de cette régression", selon le rapport.

Quelque soixante journalistes ont été victimes d'agression physique depuis le 14 janvier 2011 notamment par la police, plusieurs d'autres ont été attaqués verbalement par des politiciens, des militants politiques et des policiers, a affirmé la présidente du Snjt, Nejiba Hamrouni.

Certains islamistes radicaux, libres de s'exprimer depuis le renversement du président Ben Ali en janvier 2011, avaient réclamé jusqu'à l'exécution du directeur de la chaîne Nessma.

Les laïques ont vu dans les poursuites contre Nabil Karoui une attaque contre la liberté d'expression, une opinion relayée par Amnesty International, qui avait demandé la levée des charges pesant contre le directeur de chaîne.

L'ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, Gordon Gray, s'est dit "préoccupé et déçu par cette condamnation pour la diffusion d'un film animé dont la distribution avait été précédemment approuvée par le gouvernement tunisien".

"Cette condamnation soulève de sérieuses questions sur la tolérance et la liberté d'expression dans la nouvelle Tunisie", a-t-il dit. "D'après ce que nous comprenons, M. Karoui a le droit de faire appel et nous espérons que cette affaire sera résolue de manière à garantir la libre expression."

L'annonce du verdict coïncide avec la Journée internationale de la liberté de la presse.

"Le fait que Nabil ait été condamné à une amende, même d'un dinar, est une attaque contre la liberté d'expression et la créativité en cette journée mondiale de la liberté de la presse", a déclaré à Reuters l'avocat de Nabil Karoui, Abada Kefi.

"Cette même loi (en vertu de laquelle Karoui a été inculpé) était appliquée pendant le règne de Ben Ali", a-t-il rappelé.