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Débat télévisé : les petits arrangements chiffrés des candidats avec la réalité

Nicolas Sarkozy et François Hollande ont multiplié les références chiffrées lors du débat de l'entre-deux-tours... et pas toujours à bon escient, comme l’ont relevés les nombreux "fact-checkeurs", vrais arbitres de cette joute oratoire.

Le poids des chiffres, le choc des mots. Le débat très attendu entre Nicolas Sarkozy et François Hollande a été fortement dominé par la logique du nombre. Selon le site français Owni, les deux finalistes de l’élection présidentielle ont sorti 137 chiffres de leur chapeau pour conforter leurs assertions et contredire leur adversaire en 2 heures et 50 minutes de débat, mercredi 2 mai.

Un record largement dû à l’importance prise par les questions économiques durant ce passage médiatique obligé de l’entre-deux-tours. Mais cette propension à matraquer des chiffres comme d’autres utiliseraient l’invective a donné lieu à son lot d’erreurs et de contradictions. Plus d’une fois, Nicolas Sarkozy a reproché au candidat socialiste de se fourvoyer, quand François Hollande a affirmé à plusieurs reprises que le président sortant faisait dans l’approximation arithmétique, les deux candidats finissant souvent par se renvoyer l'un l'autre à l’omniscience des “spécialistes” qui se chargeraient, au lendemain du débat, de dire pour qui le compte était bon.

À l’ère de l’Internet triomphant, le débat politique à été l’occasion pour plusieurs sites d’ériger le "fact-checking" (confrontation des affirmations des candidats à la réalité des faits) en véritable arbitre en temps réel de ce rendez-vous politique. À l’instar du compte twitter @leveritometre, d’Owni, ou du site Vigie2012 (qui a œuvré pour le compte de la chaîne TF1), ces cyber-policiers des faits ont passé la soirée à distribuer bons et mauvais points aux deux candidats. Retour sur les principales erreurs du débat.

Les grandes erreurs de Nicolas Sarkozy :

1- “Quel est le seul pays qui n'a pas connu un trimestre de récession depuis 2009 ? C'est la France !” Pas de chance pour le président sortant : un pays est en effet en récession lorsqu’il connaît deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB. Or, au premier trimestre de 2009, la France a connu un taux de croissance négatif de 1,6 % après avoir subi une contraction économique de 1,4 % à la fin de 2008, selon les chiffres officiels de l’OCDE. Un seul petit trimestre qui vient contredire l’affirmation de Nicolas Sarkozy...

2- "Non, non ! Jamais je ne me suis prêté à cela." Nicolas Sarkozy a contesté avoir, comme l’a affirmé François Hollande, participé durant son quinquennat à un dîner de donateurs de l’UMP dans le très chic hôtel parisien Le Bristol. Malheureusement pour le candidat de droite, les “fact-checkeurs” de tous les horizons ont ressorti illico une photo compromettante prise le 9 décembre 2009 qui prouve le contraire.

3- “Savez vous que l’Éducation nationale, c’est la moitié de la fonction publique ?” Les chiffres contredisent cette affirmation du président sortant. En fait, le rapport est plus proche de 1 sur 5. Il y avait ainsi 985 573 personnes employées dans l’Éducation nationale en 2009 pour 5,298 millions de fonctionnaires, selon le rapport annuel 2010-2011 du ministère de la Fonction publique.

4- “La réalité de l'immigration française vient d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord” Accusé par le candidat socialiste de faire un amalgame entre immigrés et musulman, Nicolas Sarkozy explique que l’immigration viendrait principalement de pays “qui sont de confession musulmane”. Les données de l’Institut national d’études démographiques (Ined) et du ministère de l’Intérieur montrent que moins de la moitié des immigrés sur le sol français viennent d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord.

Les grandes erreurs de François Hollande :

1- “La dette publique a augmenté de 900 milliards d’euros depuis 2002.” Certes, la dette publique a augmenté depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé dans le premier gouvernement de Jacques Chirac en 2002. Mais François Hollande surestime de quelque 100 milliards d’euros ce glissement des comptes publics. En fait, selon l’Insee, la dette est passée de 912 milliards d’euros en 2002 à 1 717 milliards en 2011, soit une hausse de 805 milliards d’euros.

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2- “Moi, je défends les enfants de la République, vous, vous défendez les plus privilégiés !” François Hollande a voulu comparer le coût de sa proposition de créer 60 000 emplois dans l’Éducation nationale à ce qu’a coûté la réforme de l’impôt sur la fortune (ISF). Dans les deux cas, selon le candidat socialiste, l’État perdrait 2 milliards d’euros. Mais cette affirmation, censée renvoyer Nicolas Sarkozy dans le camp des riches, est fausse. En fait, la réforme de l’ISF représente un manque à gagner pour le Trésor public de 1,8 milliard d’euros, tandis que la création de 60 000 emplois coûterait 2,5 milliards d’euros.

3- “Vous avez supprimé l’impôt sur la fortune.” Le candidat socialiste a confondu suppression et réforme. Nicolas Sarkozy a eu beau jeu de le reprendre sur cette question : en fait, la France est bel et bien “le seul pays en Europe” à avoir encore une telle taxe, comme l’affirme le président sortant. Reste que ce qu’il rapporte à l’État a beaucoup baissé durant le dernier quinquennat. Après la réforme de l'impôt sur l'ISF en 2011, ce sont environ 3 milliards d’euros qui rentrent ainsi dans les caisses du Trésor public, contre près de 5 milliards avant 2007.