Correspondant de FRANCE 24 en Colombie, Roméo Langlois, est porté disparu depuis samedi après un affrontement entre l'armée colombienne et les Farc dans le sud du pays. Selon le Quai d'Orsay, le journaliste est probablement détenu par la guérilla.
Le président Juan Manuel Santos a levé lundi soir les doutes entourant le sort de Roméo Langlois, disparu samedi dans le sud de la Colombie, en assurant que "tout indique" que journaliste français a été enlevé par la rébellion des Farc.
Des "indices très clairs" révèlent "que le journaliste français est détenu par les Farc (...) aujourd'hui tous les éléments nous indiquent qu'il est aux mains" de cette rébellion, a affirmé sans plus de précisions le président colombien à la presse convoquée au palais présidentiel de Bogota.
L'incertitude demeurait jusqu'à présent sur le sort de Roméo Langlois, le ministre de la Défense ayant admis lundi ne pas détenir d'information sur un éventuel enlèvement du journaliste par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes).
Roméo Langlois, correspondant en Colombie de FRANCE 24 et du quotidien "Le Figaro", a été pris dans une embuscade alors qu'il effectuait un reportage sur une opération de lutte contre le trafic de stupéfiants, samedi 28 avril. Selon un communiqué du porte-parole français du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, diffusé lundi, le journaliste aurait été blessé et capturé avec cinq soldats colombiens qui ont été libérés alors que le Français est toujours retenu.
"Même s'il n' y a pas de revendication formelle de son enlèvement, nous considérons avec les autorités colombiennes que notre compatriote est très probablement aux mains des Farc [Forces armées révolutionnaires colombiennes, ndlr]. Nous les tenons pour responsables de la situation de M. Langlois. Elles se sont engagées publiquement à renoncer aux enlèvements. Nous leur demandons instamment de respecter cet engagement et nous les appelons à libérer immédiatement M. Langlois" indique le communiqué. "Comme le ministre d'État l'a déclaré hier, nous sommes pleinement mobilisés pour obtenir la libération de notre compatriote. Nous sommes en contact étroit avec les autorités colombiennes, la famille de M. Langlois ainsi qu'avec la rédaction de FRANCE 24 pour laquelle il travaille" poursuit le Quai d'Orsay.
Opération anti-narcotique dans le Sud
Le ministre colombien de la Défense, Juan Carlos Pinzon, déclarait dimanche : "d'après ce que m'ont raconté les personnes qui étaient avec lui jusqu'au dernier moment" avant sa disparition, " il a été touché par une balle au bras gauche", et dans la "confusion" qui régnait alors sur le terrain, "il a certainement pris la décision d'enlever sa veste et son casque" pour signaler à la guérilla qu'il était un civil.
Ce journaliste indépendant de 35 ans était alors en reportage aux côtés des forces aéronavales colombiennes dans le cadre d’une opération anti-narcotique dans la région de Caqueta (Sud).
La patrouille militaire qu’accompagnait Roméo Langlois aurait été attaquée dans la matinée de samedi par les Farc. Au moins quatre membres des forces de sécurité colombiennes auraient été tués dans l’assaut, qualifié de "lourd combat" par un porte-parole du ministère colombien de la Défense.
Six personnes étaient portées disparues, dont Roméo Langlois, selon le commandant de la région militaire. Mais l'armée colombienne a annoncé dimanche avoir retrouvé les cinq militaires qui avaient disparu avec le journaliste, dont elle reste à cette heure sans nouvelles.
Quatre autres soldats auraient également été blessés durant l’opération qui a néanmoins conduit à la destruction de cinq laboratoires de fabrication de cocaïne, toujours selon un porte-parole du ministère colombien de la Défense.
"Inquiets"
Roméo Langlois, qui vit en Colombie depuis des années, a réalisé de nombreux reportages dans la région. "Nous savons que c’est une région dangereuse. Nous sommes bien sûr inquiets mais nous faisons confiance à Roméo qui connaît bien le terrain et qui a beaucoup d’expérience. Nous espérons donc qu’il est sain et sauf", a déclaré Nahida Nakad, directrice des rédactions de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF).
Simone Bruno, également correspondant de FRANCE 24 en Colombie, interviewé par téléphone ce dimanche, devait accompagner la mission qui a été reportée plusieurs fois en raison du mauvais temps. "Nous étions dans un camp de base militaire en attendant l’opération qui devait commencer mardi, puis elle a été repoussée à mercredi, jeudi, vendredi... Du coup, je suis parti mais Roméo est resté, raconte Simone Bruno. La dernière fois que je lui ai parlé c’était vendredi soir et il m’a dit que l’opération allait démarrer à 4 heures du matin, dans la nuit de vendredi à samedi. Il devait m’envoyer des nouvelles dès son retour."
Dans la journée de samedi, quand il a entendu parler de l’attaque dans la région, Simone Bruno a tenté plusieurs fois de joindre Roméo pour prendre des nouvelles : “Au début, les informations étaient très confuses, explique-t-il. Puis le commandant [de la région militaire] nous a dit que Roméo était porté disparu et qu’ils étaient à sa recherche."
it![Le correspondant de FRANCE 24 toujours porté disparu en Colombie Le correspondant de FRANCE 24 toujours porté disparu en Colombie](/data/posts/2022/07/17/1658049148_Le-correspondant-de-FRANCE-24-toujours-porte-disparu-en-Colombie_2.jpg)
Rançons et narcotrafic
Créées en 1964, les Farc sont l’un des derniers groupes marxistes révolutionnaires du continent sud-américain. Le groupuscule mène depuis des dizaines d’années des campagnes d’enlèvements, dont les rançons, parallèlement au narcotrafic, sont devenues leurs principales sources de revenus. Ingrid Betancourt, femme politique franco-colombienne, a été retenue pendant plus de six ans avant d’être relâchée en 2008.
Ces derniers mois, les forces de sécurité colombiennes ont néanmoins remporté quelques victoires contre la rébellion, principalement dans le nord du pays. Affaiblis par la campagne menée par l’armée colombienne avec le soutien des États-Unis, les Farc ont libéré quelques otages et annoncé qu’elles cesseraient de tirer bénéfice des enlèvements.
Si le président colombien, Juan Manuel Santos, y a vu un "pas dans la bonne direction", il a néanmoins émis des doutes sur la volonté des Farc d’abandonner les enlèvements comme source de revenus ou de négocier des accords de paix pérennes. Une analyse confirmée par les experts qui s’accordent à dire que les négociations de paix, même officieuses, ne donneront probablement aucun résultat avant les élections de 2014.