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Après Hollande, Draghi s'attaque à l'austérité "made in Berlin"

Comme François Hollande, le président de la BCE a remis en cause l’austérité défendue par l'Allemagne. Mais l’appel de Mario Draghi pour un pacte de croissance n’implique pas les mêmes solutions que celles proposées par le candidat socialiste.

Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne (BCE) vient d'entrer dans la campagne électorale française, en reprenant le credo du candidat socialiste François Hollande, qui s'est prononcé, mercredi 24 avril, en faveur “d’un pacte de croissance" au lieu d'un simple pacte budgétaire marqué du sceau de la rigueur.

Un renfort inattendu pour le favori des sondages à l’élection présidentielle française et un camouflet pour la chancelière allemande Angela Merkel, qui a fait de l’austérité l’alpha et l’omega de son message aux autres pays européens.

Mario Draghi ne s'est d'ailleurs pas contenté de plaider pour une politique de la croissance, il a même jugé qu’”il fallait revenir en arrière” afin de modifier le pacte budgétaire. Pacte que Berlin, soutenu par Paris, a réussi à imposer à 25 des 27 pays de l’Union européenne début mars. “C’est soit un acte politique fort contre la Merkozy [barbarisme qui désigne la ligne politique défendue par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, NDLR], soit une gaffe de Mario Draghi”, note Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences-Po Paris.

La Merkozy isolée

Le président de la BCE n’est pourtant pas le seul à appeler à une politique économique européenne davantage axée sur la croissance. À Madrid, le Premier ministre conservateur Mariano Rajoy a estimé, le 24 avril, que l’austérité n’allait pas aider l’Espagne à sortir de la récession. Mario Monti, son homologue italien, avait lui aussi assuré, à la mi-mars, que toute politique de rigueur avait ses limites. La crise politique aux Pays-Bas prouve, en outre, que le bloc des pays du Nord n’est pas traversé par un même souci de rigueur budgétaire que l’Allemagne.

“On assiste actuellement à un isolement croissant d’Angela Merkel sur la scène européenne”, reconnaît Pascal de Lima. Nicolas Sarkozy, qui a soutenu une politique de rigueur voulue par Berlin se retrouve dans une situation délicate, analysait pour sa part, mercredi, le quotidien américain le New York Times décrétant le retour en force en Europe des chantres de la croissance.

Mais si de plus en plus de dirigeants critiquent l'austérité à tout-va de Berlin, ils ne s’accordent

pas pour autant sur la solution préconisée pour favoriser le retour de la croissance. “Il y a ceux qui veulent comme les socialistes français un plan européen de relance qui passent par de nouvelles dépenses, et ceux qui penchent pour une ‘rigueur plus intelligente””, explique Pascal de Lima. La Banque centrale européenne et Mario Monti feraient partie de ce deuxième wagon. Ils militeraient pour un assouplissement des objectifs de réduction des déficits afin de desserrer l’étau autour du cou des pays de la zone euro les plus fragilisés.

Pascal Lima estime pour sa part qu’“on pourrait mettre en place une évaluation de l’efficacité des coupes budgétaires pour mieux identifier les économies à faire au niveau européen”.

Timing

Si ce changement de rapport de force en Europe fait le jeu politique de François Hollande, le candidat socialiste n’est pas pour autant celui qui a provoqué la remise en cause de la Merkozy, juge Pascal de Lima. “Il y a avant tout des raisons économiques qui expliquent cette évolution des mentalités”, affirme l’expert précisant que “les gouvernements européens se rendent enfin compte que la récession se nourrit de l’austérité”.

“François Hollande a simplement senti que le moment était venu pour rappeler à l’Europe qu’il existait des alternatives économiques aux politiques d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy”, rappelait jeudi au quotidien allemand de gauche Sueddeutsche Zeitung, Sigmar Gabriel, le président des sociaux-démocrates allemand du SPD.

Après s’être réjoui des propos de Mario Draghi, François Hollande a précisé, jeudi, qu’il n’avait pas ”la même conception de la croissance” que le président de la Banque centrale.