Youssouf Raza Gilani (photo) a refusé de demander à la Suisse de rouvrir une enquête contre le président Asif Ali Zardari, soupçonné de blanchiment de fonds publics détournés, selon la Cour suprême. L'opposition demande sa démission.
AFP - La Cour suprême du Pakistan a jugé jeudi le Premier ministre coupable d'outrage à la justice pour avoir refusé depuis plus de deux ans de demander à la Suisse de rouvrir une procédure judiciaire visant le président Asif Ali Zardari pour blanchiment de fonds publics détournés.
Mais la plus haute juridiction du pays a laissé libre Yousuf Raza Gilani, qui encourait six mois de prison, le condamnant seulement à être détenu le temps de l'audience jeudi, qui n'a duré que quelques minutes.
Reste à savoir si sa condamnation l'oblige ou non à démissionner de ses fonctions de chef du gouvernement, un sujet qui divise les experts du droit pakistanais.
M. Gilani est sorti libre aussitôt l'audience levée, un large sourire aux lèvres et sous les vivats de ses ministres et de dizaines de sympathisants, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Le Premier ministre et chef de l'exécutif Yousuf Raza Gilani a été reconnu coupable d'outrage à la Cour", selon le verdict lu par le juge qui présidait l'audience, Nasir-ul Mulk.
"Il est en conséquence condamné à l'emprisonnement jusqu'à la levée de cette audience", a-t-il conclu.
La Cour suprême avait annulé en 2009 un décret amnistiant le chef de l'Etat et des milliers d'autres personnes soupçonnées de corruption et ordonné immédiatement au gouvernement pakistanais de réclamer à Genève la réouverture de son enquête.
Le 13 février dernier, elle avait inculpé M. Gilani pour outrage à la Cour pour ne pas s'être plié à cette injonction depuis plus de deux ans. Depuis, le gouvernement s'évertue à invoquer l'immunité judiciaire dont jouit le président en exercice.
En 2010, le procureur de Genève avait également estimé qu'il ne pouvait poursuivre tant que M. Zardari serait président, en raison de son immunité judiciaire en tant que chef d'Etat. En 2003, un tribunal suisse avait reconnu coupables en première instance M. Zardari et son épouse, l'ex-Première ministre Benazir Bhutto, de blanchiment de fonds publics détournés dans les années 1990 quand elle dirigeait le gouvernement, mais le couple avait fait appel.
La condamnation du Premier ministre, qui n'est absolument pas impliqué dans les détournements de fonds présumés reprochés au couple Bhutto-Zardari dans les années 1990, resserre un peu plus l'étau de la justice sur un chef de l'Etat des plus impopulaires.
Le pouvoir civil et ses plus hauts représentants, M. Zardari au premier chef, sont régulièrement accusés dans la presse et l'opinion publique de corruption et de mauvaise gouvernance et confrontés à l'hostilité croissante de la toute puissante armée, le tout sur fond de crise économique aiguë.
Certes le Premier ministre Raza Yousuf Gilani n'est pas impliqué sur le fond de l'affaire dite "des comptes suisses" du président Zardari, mais il pourrait en être le premier fusible, estiment les observateurs, s'il est forcé de démissionner comme plusieurs experts en droit l'affirment, en interprétant la Constitution.
Certains vont jusqu'à dire qu'une condamnation le destitue automatiquement, tandis que d'autres assurent que cette décision relève uniquement du Parlement.