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Bank of America piégée par un site satirique

Spécialistes du canular anti-capitaliste, les Yes Men ont mis en ligne un faux site de Bank of America qui recense les principales dérives des banques américaines depuis le début de la crise de 2008.

Sur la page d’accueil, un Brian T. Moynihan, PDG de Bank of America (BofA), au sourire contrit souhaite la bienvenue aux internautes. Il leur présente ce qui semble être la dernière innovation de l’établissement : yourbofa.com, un site où chacun est invité à proposer sa vision du futur de la deuxième plus grande banque de dépôts des États-Unis.

Malgré un design qui rappelle celui du site officiel de Bank of America et un logo troublant de similitude avec l'original, il y a pourtant anguille sous clic. Ce nouveau venu, qui est apparu sur la Toile mercredi, n’est pas l’œuvre de la vénérable institution financière. La supercherie a été, cependant, si bien réalisée que la célèbre agence de presse financière américaine Dow Jones Newswire a pris pour argent comptant le faux communiqué annonçant le lancement de yourbofa.com, mercredi. Il aura fallu l’intervention de la vraie BofA pour rectifier le tir quelques heures plus tard.

Pourtant, une rapide exploration de yourbofa.com met en lumière un ton et des contenus plus qu’hétérodoxes pour une banque, même pour l'une d'entre elles qui s’engagerait à ne pas répéter les erreurs du passé. Dans la section “Ce que nous avons appris” de la crise, la prétendue banque reconnaît que “ses égarements” vont lui coûter plusieurs milliards de dollars de dommages et intérêts à verser à des clients “mal conseillés” et à l’État.

Le site propose également de créer sa propre campagne de pub pour “s’approprier le message” que la banque doit dorénavant faire passer auprès du public. Les exemples mis en exergue - de “Arrêtons de piller les ressources du pays” à “Nous ne tuons pas des enfants, alors nous n’allons plus exproprier des familles” - rappellent davantage une campagne de militants du mouvement “Occupy Wall Street” que les slogans d’une banque.

Spécialistes du détournement

Les militants anti-finance qui squattent les abords de Wall Street depuis septembre 2011 ont un temps été soupçonnés d’être à l’origine de ce canular. En fait, plusieurs mouvements - dont les écologistes de Rainforest et le mouvement anti-capitaliste New Bottom Line - ont travaillé ensemble à la conception de yourbofa.com. L’idée viendrait, selon le site américain du Huffington Post qui a pu interroger un porte-parole de yourbofa.com, des Yes Men, ces spécialistes de l’imposture et du canular anti-capitaliste. Ces activistes américains ont, par le passé, déjà versé dans le détournement sur le Net. En 2000 par exemple, ils ont mis en ligne une version parodique du site de campagne de George W. Bush avant de parodier, en 2010, le portail d’Apple.

Cette fois-ci, le but de l’opération anti-BofA est “d’attirer l’attention sur ces banques qui ont reçu des milliards de l’État - donc du contribuable - pour survivre à la crise financière de 2008 et qui continuent de plumer leurs clients”, explique ce porte-parole au Huffington Post. Depuis le début de la crise, le gouvernement américain a officiellement prêté 700 milliards de dollars au système bancaire américain. La chaîne d'informations économiques et financières américaine Bloomberg juge, elle, que ce sont, en fait, plus de 10 000 milliards de dollars qui ont été prêtés aux banques depuis 2008 par la Réserve fédérale américaine et par le gouvernement.

“Le pire, c’est qu’il y a des risques pour que l’État soit obligé de mettre encore des milliards de dollars sur la table pour sauver les banques”, affirme ces cyberactivistes. Bank of America serait, à leurs yeux, emblématique de cette situation : l’institution a été violement critiquée aux États-Unis pour avoir tenté d’augmenter les frais qu’elle perçoit à chaque paiement par carte de crédit. Elle a par ailleurs accepté, en décembre dernier, de payer 335 millions de dollars pour mettre un terme à une procédure lancée à son encontre pour discrimination raciale et est impliquée dans un gigantesque scandale d’expropriation frauduleuse qui pourrait lui coûter des centaines de millions de dollars.

Contactée par plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, Bank of America a confirmé n’avoir aucun lien avec yourbofa.com mais a refusé de s’exprimer sur les accusations à son égard qui se trouve sur le site.