Réunis à Istanbul, Téhéran et les grandes puissances ont convenu de se retrouver le 23 mai prochain à Bagdad (Irak) pour poursuivre les négociations sur le nucléaire iranien. Samedi, les discussions ont été jugées "positives" par l'Union européenne.
REUTERS - L’Iran et les principales puissances mondiales ont repris langue samedi à Istanbul pour la première fois depuis quinze mois et convenu, à l’issue de discussions sur le nucléaire iranien qualifiées de « constructives » côté occidental, de se revoir le 23 mai à Bagdad.
Le principe d’une nouvelle rencontre est considéré en soi dans les milieux diplomatiques comme un élément positif compte tenu du peu d’espoir suscité a priori par les retrouvailles turques.
« Nous voulons désormais avancer vers un processus durable de dialogue sérieux permettant de prendre des mesures urgentes et pratiques pour bâtir la confiance », a déclaré à l’issue des entretiens Catherine Ashton, en qualifiant la réunion d’Istanbul d’ »utile et constructive ».
« Nous serons guidés par le principe d’une approche étape par étape. Nous nous retrouverons le 23 mai à Bagdad », a ajouté la haute représentante de l’UE qui coordonne les six puissances impliquées dans la recherche d’une solution à la crise (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie plus l’Allemagne).
Le négociateur en chef iranien, Saeed Jalili, n’a pas caché de son côté qu’il existait des divergences entre les deux parties, mais il a insisté sur le fait qu’un accord s’était fait sur certains points.
Il a ajouté que les futurs entretiens de Bagdad auraient pour objet principal de réfléchir aux mesures permettant de rétablir un climat de confiance mutuelle.
Jalili a cependant répété que l’Iran avait besoin d’enrichir de l’uranium pour obtenir du combustible à 20%, à des fins pacifiques.
Climat "totalement différent"
Dans les milieux diplomatiques, on souligne la volonté de dialogue de la partie iranienne, qui contraste avec les échanges acrimonieux qui ont prévalu depuis plus d’un an.
Le climat a été « totalement différent » de celui des réunions précédentes, a confié un diplomate, précisant que Saeed Jalili n’avait pas, contrairement à ce qu’il avait fait au début 2011, fixé de conditions préalables à la reprise d’un dialogue.
Catherine Ashton a répété que l’Iran, signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), devait respecter ses engagements internationaux.
Les pays occidentaux espèrent avant tout voir Téhéran signaler sa volonté d’engager des négociations de fond. Ceci marquerait déjà une avancée car les Iraniens avaient, lors des discussions de janvier 2011, refusé ne serait-ce que d’évoquer la question nucléaire.
Les négociations visent à résoudre un contentieux vieux de dix ans et à écarter le spectre d’une intervention militaire contre les installations nucléaires de la république islamique.
Dès vendredi soir, un dîner de travail avait réuni à Istanbul Catherine Ashton et Saeed Jalili. Leur dîner a duré trois heures et s’est déroulé, selon un diplomate, dans une « atmosphère amicale ». Mais les discussions, a-t-il ajouté, ne se sont pas concentrées sur la question nucléaire.
Des négociations pendant plusieurs mois
Les discussions « seront le point de départ d’une négociation très complexe et durant plusieurs mois, la diplomatie permettra de faire baisser quelque peu la pression sur les cours du brut et de diminuer la probabilité d’une attaque israélienne », estime Cliff Kupchan, analyste spécialiste du Proche-Orient chez Eurasia Group.
L’Iran, dont l’économie à base d’hydrocarbures pâtit du durcissement des sanctions internationales, pourrait se laisser convaincre d’aborder enfin d’éventuelles restrictions à son programme nucléaire pour alléger la pression, espèrent les diplomates occidentaux.
« Comme les revenus pétroliers comptent pour plus de la moitié des recettes du gouvernement, le budget va être soumis à rude épreuve cette année avec la chute des exportations de pétrole due aux sanctions et la réduction de la production iranienne », note Mohamed Chakil, analyste basé dans le Golfe.
« Chaque partie, pour ses propres raisons, veut donner à ce stade une chance à la paix, et lancer un processus plutôt que de forcer un règlement rapide », commente Michael Adler, du centre international Woodrow Wilson.
Un diplomate occidental écarte toutefois l’hypothèse qui verrait les Européens lever leur embargo sur les importations de pétrole, qui doit entrer pleinement en vigueur le 1er juillet. « Nous attendons l’entrée en vigueur de l’embargo pétrolier le 1er juillet et il serait surprenant que l’Iran propose quelque chose de nature à revenir sur ce point », a-t-il dit.