Sous la houlette du médiateur burkinabè Blaise Compaoré, les négociations chargées de déboucher sur l'élaboration d'une feuille de route pour sortir le Mali de la crise se sont ouvertes, samedi, au Burkina, entre les protagonistes de la crise.
Un premier convoi d'aide humanitaire a quitté Bamako, vendredi 13 avril, à destination du nord du Mali, où l'avancée de la rébellion s'est accompagnée de nouveaux mouvements de populations, d'exactions et de pénuries. Quelque 150 000 Maliens auraient trouvé refuge dans les pays voisins, d'après les derniers chiffres publiés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha). Selon Rémi Dourlot, son responsable pour l'Afrique de l'Ouest, interrogé par RFI, le climat d'insécurité dans la région entrave l'acheminement de l'aide à ceux qui en ont le plus besoin. Cette semaine, la Commission européenne a mis en garde contre le risque d'une catastrophe humanitaire majeure et appelé à l'ouverture d'un corridor pour permettre des approvisionnements en nourriture et en médicaments.
C’est un vol inattendu que personne n’aurait cru possible il y a quelques semaines : dans la nuit de vendredi à samedi, la classe politique malienne au grand complet était à bord d’un vol d’Air Burkina à destination de Ouagadougou pour rejoindre le médiateur de la crise malienne, le président burkinabè Blaise Compaoré. Côte à côte, celles et ceux que le coup d’État du 22 mars a opposés, mais qui doivent désormais décider ensemble de l’avenir politique du Mali : des représentants des partis politiques nationaux, des membres de la société civile, et les membres de l’ex-junte qui a déposé le président Amadou Toumani Touré, dit "ATT".
Avant l'arrivée de la délégation malienne dans la capitale burkinabè, l’envoyé spécial de FRANCE 24, David Thompson, a demandé aux protagonistes de la rencontre ce qu’ils attendaient de cette réunion placée sous l’égide de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). "Un climat apaisé, pour que l’ensemble des fils et filles du Mali puissent regarder dans la même direction, sans passions, pour sortir de cette situation difficile", a déclaré l’ambassadeur du Burkina Faso au Mali, Sanné Mohamed Topan. Le représentant de l’Alliance pour la démocratie au Mali (gauche, alliée du président déchu ATT et proche du président par intérim Dioncounda Traoré), Me Kassoum Tapo, envisage, lui, l'arrivée au poste de Premier ministre d'"un homme nouveau ou d'une femme nouvelle, quelqu’un qui n’a pas été impliqué dans la vie politique de l’État pendant ces 20 dernières années".
Transition et élections
La nomination d’un Premier ministre de transition, telle est précisément l’un des principaux enjeux des pourparlers de Ouagadougou. Même si Dioncounda Traoré a été investi au poste de président de transition, jeudi 12 avril, en vertu de l'accord passé entre l’ex-junte militaire et la Cédéao en vue de rendre le pouvoir aux civils, la question de la nomination d’un gouvernement d’union nationale, avec à sa tête un Premier ministre de consensus, reste effectivement entière. Et d'autant plus compliquée à résoudre que les divisions et ambitions de la classe politique malienne sont tenaces...
À Ouagadougou, les discussions tourneront également autour de la durée de la période de transition (certains la veulent inférieure à une année, d’autres plaident pour une période de 14 mois, en référence à la transition politique de 1990) qui doit conduire le Mali à l’organisation d’élections présidentielle et législatives. La question de la répartition des responsabilités entre le président par intérim et le futur Premier ministre, censé recevoir les pleins pouvoirs en vertu de l’article 6 de l’accord conclu entre l’ex-junte et la Cédéao, sera également abordée. En clair, donc : le sommet de Ouagadougou a pour objectif de "parachever la mise en œuvre" de cet accord, comme l'a dit le médiateur Blaise Compaoré.
Surtout, cette réunion à huis clos doit élaborer la réponse - politique et/ou militaire - à donner à la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et aux islamistes d’Ansar Dine, qui ont pris possession du nord du pays depuis la fin du mois de mars. Alors que le président par intérim promettait récemment une "guerre totale et implacable" aux rebelles nordistes, la nécessité de nouer avec eux un dialogue sera la principale tâche de M. Traoré.