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L’avenir politique du Mali se joue dans un hôtel de luxe et un camp militaire

, envoyée spéciale à Bamako – Les négociations vont bon train à Bamako, entre les politiques et les militaires, pour préparer l’arrivée au pouvoir de Dioncounda Traoré. Mais les Maliens pensent-ils que leur futur président par intérim peut remettre le pays sur les rails ?

Un convoi de Mercedes noires stationne devant un luxueux hôtel de Bamako, dont la réception climatisée abrite une cohorte d’hommes en uniforme qui s’entretiennent à voix basse avec des diplomates. Une fois ces conversations terminées, tout ce petit monde embarque dans d'imposantes berlines qui se dirigent, gyrophares allumés, vers une base militaire des environs de la capitale malienne.

Les tractations politiques ont repris à Bamako depuis le vendredi 6 avril et l’accord de transfert de pouvoir conclu entre la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la junte militaire. Le président Amadou Toumani Touré (ATT) a démissionné, le futur président par intérim est revenu d’un bref exil et le chef des putschistes a été mis de côté.

Désormais, les personnalités du pays négocient pour faire partie du prochain échiquier politique. Car le futur du Mali se joue en ce moment entre l’hôtel Azalai Hôtel Salam, un bâtiment couleur sable du centre de Bamako, et la caserne militaire de Kati, quartier général de la junte, dans les faubourgs de la capitale malienne.

Et tous les regards sont à présent tournés en direction de Dioncounda Traoré, le président de l’Assemblée nationale, qui va être prochainement intronisé président par intérim.

La complainte d’un député de Gao

La tâche s’annonce ardue pour le futur président, son pays étant de fait coupé en deux, malgré les déclarations répétées sur l’unité et l’indivisibilité du Mali. Les autorités ont perdu le contrôle du nord du pays depuis que les Touareg et des milices islamistes se sont emparés de cette région grande comme la France.

Tandis que se multiplient les rapports faisant état d’affrontements entre groupes islamistes, dont certains sont soupçonnés d’avoir des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamiste (Aqmi), les habitants du Nord-Mali appellent à la mise en place d'un corridor humanitaire.

“Comment améliorer la situation au Nord-Mali ? “ se demande Abdou Abdoulaye Sidibi, un député de Gao, une région tombée aux mains des rebelles peu après le putsch du 22 mars. “On ne peut pas négocier avec les rebelles, notamment sur l’établissement d’un corridor humanitaire, car il n’y a pas d’État, ni représentant avec qui négocier. L’armée malienne est désorganisée, elle ne peut rien faire. À vrai dire, il n’y a pas d’armée. Nous avons des officiels qui veulent faire des choses, mais nous n’avons plus d’État, nous avons urgemment besoin d’un gouvernement de transition."

L’armée malienne est à ce jour désorganisée, sous financée et assez peu professionnelle. La frange des militaires qui a goûté au pouvoir va, par ailleurs, devoir se résoudre à voir de nouveau un civil s’installer au palais présidentiel.

"Laisser une chance" à Dioncounda Traoré

Assis dans le hall de l’hôtel Salam, à quelques mètres de l’endroit où se tiennent les négociations importantes, Abdou Abdoulaye Sidibi semble impuissant. Mais le député de 58 ans veut croire que le futur président par intérim pourra redonner espoir à son pays. "Il va nous guider. J’ai confiance en Dioncounda Traoré car j’appartiens au parti Adema-Pasj (l'Alliance pour la Démocratie au Mali- Parti Africain pour la solidarité et la Justice) et celui-ci était notre candidat à l’élection présidentielle, nous pensons qu’il est capable de faire le travail".

En tant que chef de l’Adema-Pasj, Dioncounda Traoré faisait campagne en vue de la présidentielle du 29 avril lorsque que le coup d’État est survenu, le 22 mars. Ses immenses affiches de campagne sont d’ailleurs toujours visibles dans les rues de Bamako. Mais son image d’homme politique expérimenté pourrait se retourner contre lui dans un pays miné par la corruption, où les habitants ont perdu confiance en leurs dirigeants politiques. L’ancien président ATT, que Traoré avait soutenu lors de sa réélection en 2007, avait pâti de ce désamour de la population, qui lui reprochait notamment son incapacité à endiguer la rébellion dans le Nord.

Certains Maliens semblent toutefois prêts à accorder une chance à leur futur président. "Traoré je le connais, je sais qui c’est. Je ne peux pas dire aujourd’hui s’il va réussir ou non, mais nous devrions lui laisser une chance", indique Moussa Coulibaly, un jeune étudiant à Bamako.

“C’est un homme d’expérience, une figure familière, il a occupé plusieurs postes et il est le leader du plus grand parti. Il peut faire le travail “, estime pour sa part Boubacar Diallo, un homme d’affaire de 58 ans. Assis à ses côtés, Aicha Cissé est, elle, visiblement plus réservée que son compagnon.

“Nous verrons. Il a changé de travail, désormais c’est une responsabilité différente, des attentes différentes. Nous verrons s’il peut y arriver… »