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RéessayerEt de trois pour Giorgia Meloni. La première présidente du Conseil de l'Histoire italienne, dont le parti post-fasciste Fratelli d'Italia (Frères d'Italie), a remporté 26 % des voix en septembre 2022, semble s'être installée dans la durée. La Première ministre, louée sur la scène internationale, nouant des liens avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et considérée par Donald Trump comme "une source d'inspiration pour nous tous", peut se targuer d'être à la tête du gouvernement les plus stables de l'après-guerre. Une soixantaine de gouvernements se sont succédé depuis l'avènement de la République en 1948.
"Elle a une majorité presque écrasante, et a fait quelque chose qui n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'Italie : une alliance entre l'extrême droite et la droite traditionnelle", explique sur France 24 Vincenzo Susca, maître de conférences en sociologie à l'Université Paul Valéry (Montpellier III).
Celle qui martelait devant ses partisans "Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne", se vante d'avoir redressé l'Italie.
Arrivée au pouvoir en octobre 2022 à la tête de cette alliance entre la droite et l'extrême droite, Giorgia Meloni, tête du parti Fratelli d'Italia a adopté une politique économique pragmatique en ligne avec ses homologues conservateurs en Europe, pour redresser les comptes après un dérapage pendant l'épidémie de Covid-19.
Son ministre en charge du développement économique, Giancarlo Giorgetti, a coupé dans la dépense publique en freinant les investissements dans le système de santé et la culture, supprimant le "super bonus" pour la rénovation énergétique des bâtiments, ainsi que le revenu de citoyenneté, une aide aux plus pauvres qui était perçue par 2,5 millions de personnes.
Le gouvernement a également mis en place certaines des mesures sociales sur lesquelles il s'est fait élire, notamment en baissant les taux d'imposition des classes moyennes et des petits entrepreneurs.
Trois ans après l'accession au pouvoir de la conservatrice, le chômage a fortement baissé (de 7,8 % en octobre 2022 à 6 % en août 2025) et le gouvernement compte faire passer le déficit public sous les 3 % cette année, atteignant les objectifs fixés par la Commission européenne.
"Un déficit de 3 % permettrait à l'Italie de sortir avec un ou deux ans d'avance de la procédure d'infraction pour déficit excessif engagé par l'Union européenne", explique sur ce point Nicolas Borri, économiste à l'université LUIIS de Rome.
Georgia Meloni ne manque jamais de vanter les résultats économiques de son gouvernement. "La valeur de la Bourse a doublé, (...) nos obligations d'État sont parmi les plus recherchées du monde et leur rendement est inférieur à celui des obligations françaises", a exulté la Première ministre lundi devant une marée de drapeaux Fratelli d'Italia à Florence, un bastion de gauche où elle est allée soutenir le candidat de la coalition gouvernementale que son parti forme avec la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) et le parti conservateur Forza Italia.
Pourtant nombre d'observateurs évoquent un bilan "en demi-teinte. Le pays a certes vu son déficit public diminuer de 8,6 % à seulement 3,4 %, le chômage, lui, est tombé à son plus bas niveau depuis vingt ans, mais ces chiffres masquent des problèmes plus profonds".
Au-delà du plan économique, Giorgia Meloni est notamment accusée de dérive illibérale, et son bilan en matière migratoire est lui aussi critiqué.
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Une embellie économique, mais des ombres au tableau
Mais à ce jour encore, les salaires sont en baisse et la croissance économique stagne toujours. Une forte inflation empêche également de nombreux Italiens de profiter de cette embellie. De Turin à Palerme, on n'a pas retrouvé son pouvoir d'achat d'avant Covid-19.
Le pays est en outre freiné par sa faible productivité, des exportations en baisse et une population vieillissante.
"La dette publique est un problème resté sans solution durant les trois années de gouvernement Meloni", pointe le quotidien italien Il Riformista. En effet, l'Italie reste plus endettée que d'autres pays européens, à 135 % du PIB (contre 114 % pour la France).
Face à tout cela, les jeunes quittent le pays en masse (156 000 émigrés en 2024, âgés en moyenne de 33 ans, selon l'Institut des statistiques).
"Ce sont des améliorations de surface qui ne changent pas les problèmes radicaux du pays d'un point de vue culturel et économique", estime Vincenzo Susca, évoquant un bilan "mitigé", où "la stabilité est un avantage du pays d'un point de vue financier et économique", mais à travers lequel perdure un "sentiment généralisé de précarité".
"Giorgia Meloni fait quelque chose qui va à l'envers de ce qu'elle avait dit pendant longtemps", poursuit le spécialiste de l'Italie, auteur de "À l'ombre de Berlusconi" (L'harmattan). "Elle s'était posée comme antisystème, notamment contre les réformes des gouvernements Monti [2011-2013] et Draghi [2021-2022] concernant l'austérité, mais elle applique aujourd'hui une politique tout à fait néolibérale d'austérité et de réduction des dépenses publiques".
"Meloni a géré les contraintes budgétaires de l'Italie, mais nous ne voyons aucun changement structurel", déclare de son côté au Corriere Wolfango Piccoli, de la société de conseil londonienne Teneo. "Même avec une forte majorité parlementaire et une opposition très faible, nous assistons à un manque total d'ambition".
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Une extrême droite "maligne", qui "cache ses aspects les plus violents"
En juin dernier, un décret-loi sur la sécurité – durcissant certaines peines pénales, et en créant d'autres – a été adopté en Italie, malgré une levée de boucliers du côté de l'opposition et des critiques internationales. Le texte contient également des dispositions répressives, allant de la limitation de la liberté de manifester aux expulsions accélérées de logements occupés illégalement. Par ailleurs, le gouvernement Meloni a lancé une réforme de la justice controversée (adoptée par la Chambre des députés en juillet), visant à séparer les carrières des juges et des procureurs, ce que l'opposition dénonce, y voyant une stratégie autoritaire.
Parallèlement, sur la question migratoire, Giorgia Meloni a assoupli ses positions et se heurte à la réalité démographique de son pays. Cette dernière vante une baisse de 60 % de l'immigration clandestine, mais l'immigration légale, elle, est en hausse. Son gouvernement prévoit d'ailleurs de délivrer un demi-million de visas de travail non-européens d'ici 2028, le pays manquant de main d'œuvre.
D'un point de vue de sa rhétorique, la politique de Giorgia Meloni est bel et bien d'extrême droite, soutient Vincenzo Susca, "mais c'est une extrême droite maligne par rapport à celle de Trump ou de Milei, car elle se veut cool, jeune, fait des clins d'œil sur TikTok, et cache ses aspects plus violents", précise le sociologue. "C'est un visage 'marketing-oriented' [qui se comporte en réponse à un marché donné, NDLR], qui contribue à faire croire que c'est un gouvernement modéré, alors que ce n'est pas vraiment le cas", poursuit-il. "Cet aspect relève du fait d'être un peu ambigu avec l'Union européenne et à la fois avec Trump : Giorgia Meloni réussit à être suspendue entre ces deux visages, et se maintient ainsi à la tête du gouvernement".
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Sur la scène internationale, la dirigeante d'extrême droite est parvenue à lisser son image. Son autobiographie, "Io sono Giorgia" ["Je suis Giorgia"], parue en juin dernier, est préfacée par Donald Trump. En août dernier, Giorgia Meloni avait également rendu hommage à l'influenceur conservateur américain Charlie Kirk – assassiné lors d'un débat public organisé dans une université dans l'Utah –, l'érigeant en exemple.
"Elle a réussi à passer un message de femme modérée qui arrive à nuancer ses aspects plus radicaux, mais derrière cette apparence modérée, il y a une adhésion de fond aux valeurs les plus austères et graves du conservatisme culturel", ajoute Vincenzo Susca.

En dépit d'un bilan mitigé, nombre d'analystes prédisent encore à Giorgia Meloni de beaux jours à la tête du Conseil italien. "Je crains que ce gouvernement soit destiné à durer longtemps", déclare Vincenzo Susca. "Car en Italie comme en France, la gauche et le centre-gauche ne sont [aujourd'hui] pas capables d'intégrer et d'assumer les problématiques sociales et économiques qui soutiennent la victoire des populismes contemporains".
