Alors que la junte militaire a décidé de redonner le pouvoir aux civils, la situation humanitaire du nord du Mali, toujours sous contrôle de la rébellion touareg et des islamistes, se détériore.
Les Maliens peuvent pousser un soupir de soulagement : les sanctions décidées par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont été levées et le processus de transition est désormais enclenché. Le 8 avril, le président déchu Amadou Toumani Touré a démissionné, conformément à l’accord signé entre la Cédéao et la junte au pouvoir depuis le pustch du 22 mars.
Alors que tous les yeux sont tournés vers le palais présidentiel où Dioncounda Traoré doit être investi lundi 9 avril chef d’Etat par intérim, les habitants du Nord tentent, eux, de se faire entendre pour que la crise humanitaire et politique soit résolue dans leur région.
"On va au devant d’un grand danger"
Réunis à Bamako le 8 avril , les réfugiés du Nord tirent la sonnette d’alarme. "Aujourd’hui, nous faisons face à un désastre humanitaire parce que notre pays est occupé par des terroristes et des extrémistes islamistes qui ont tué des centaines de nos frères à
Gao, Kidal et
Tombouctou," explique Maliki Alhusseini Maiga, président du Collectif des ressortissants du Nord-Mali (Coren), lors d’une conférence de presse dans la capitale malienne. "Ils ont violé nos sœurs, ont brûlé les bâtiments administratifs. Ils ont détruit nos villes et ils terrorisent la population. Si ça continue comme ça, on va au devant d’un grand danger dans la région", poursuit-il.
Le 8 avril, des habitants de Gao qui tentaient de fuir la ville par bus ont affirmé à l'agence Associated Press (AP) avoir vu des combattants islamistes couper la gorge d’un Touareg armé supposé appartenir au MNLA. Le bus a été pris en embuscade par des combattants touareg qui, d’après les témoignages, cherchaient à dépouiller les passagers. Ces derniers ont alors appelé un numéro d’urgence donné par des islamistes qui cherchaient à gagner leur confiance. À leur arrivée, les islamistes auraient alors coupé la gorge de l’un des Touareg sous les yeux des passagers, a raconté un employé de la compagnie de bus à AP.
"Toute la nourriture et les médicaments ont été pillés" Entre la sécheresse, les combats et l’enclavement du Nord, les groupes de défense des droits de l’Homme s'inquiètent de la situation.
Amnesty international a demandé la semaine dernière un accès immédiat au Nord.
"Toute la nourriture et les médicaments ont été pillés et
la plupart du personnel humanitaire est parti", affirme Gaëtan Mootoo, chercheur pour Amnesty International et spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. "Les populations sont menacées par la famine et la pénurie de médicaments, ce qui causerait de graves dégâts, surtout parmi les femmes et les enfants qui sont moins à même de se défendre."
Les habitants qui ont réussi à s’échapper du Nord peu après la désaffection de l’armée gouvernementale décrivent des scènes de panique au moment de l’arrivée des rebelles. "J’ai été le dernier élu à quitter Kidal, témoigne Hominy Belco Maiga, un représentant de l’assemblée locale de cette ville. Quand j’ai vu les combattants touareg arriver et l’armée partir, j’ai su que tout était fini. Alors je suis parti à mon tour."
Amnesty international estime que plus de 200 000 personnes ont fui le nord du Mali depuis janvier, après
la chute de Mouammar Kadhafi en Libye et le retour au pays des mercenaires touareg. Si la plupart des réfugiés ont rejoint le sud du pays, Amnesty international estime qu’environ 100 000 personnes sont parties en Mauritanie, au Niger, en Algérie et au Burkina Faso.
Maliki Alhusseini Maiga, du Coren, n’a cependant pas l’intention de quitter définitivement sa terre. "Je retournerai à Kidal, promet-il. Je n’ai pas peur. Ces rebelles cherchent de nouveaux territoires pour Al-Qaïda et pour leur trafic d’armes et de drogue.
Mais le Mali est notre pays et il est indivisible."