, envoyée spéciale à Bamako – Dans la capitale malienne, nombreux sont ceux qui se disent prêts à se battre pour préserver l'unité de leur pays alors que la rébellion touareg a revendiqué l'indépendance du Nord-Mali. Reportage de notre envoyée spéciale.
En moins d’une semaine, Kalifa Traoré a été forcé de fuir sa maison et sa ville. À 46 ans, ce représentant à l’Assemblée locale de Mopti, ville du centre du Mali située au sud de Tombouctou, pourrait bien voir s’effondrer le principe qui a guidé son pays pendant plus de 50 ans. "Un peuple, un but, une foi" est en effet la devise du Mali depuis plus d’un demi-siècle. Mais l’unité de cette gigantesque nation ouest-africaine, à la faible densité de population, est mise à rude épreuve depuis la déclaration d’indépendance faite par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le groupe de rebelles touareg qui a pris le contrôle du nord du pays.
Cette déclaration a mis Kalifa Traoré dans tous ses états. Dans les heures qui ont suivi l’annonce, il s’est précipité dans les rues en agitant les journaux faisant état d’atrocités commises par les rebelles dans le nord, les montrant à qui voulait bien l’écouter. "Le Mali est un pays indivisible, c’est une nation souveraine depuis 1960, explique-t-il, faisant référence à la date à laquelle le pays est devenu indépendant de la France. Cette menace est sérieuse, très sérieuse.
"Pour l’homme, l’impact de cette déclaration d’indépendance sur sa sécurité et sa famille est réel. Le 3 avril, alors que les rebelles progressaient vers le sud, Kalifa Traoré a pris la fuite. "J’avais peur, j’ai quatre enfants, deux garçons et deux filles. J’ai fui Mopti pour Bamako. Ma maison à Mopti est fermée à clé, je ne peux pas y retourner. Le MNLA, les islamistes et Al-Qaïda nous terrorisent. À Gao [ville du Nord-Mali aux mains des rebelles ndlr], les femmes sont violées par les gens du MNLA. Ces gens-là disent qu’ils sont du nord. Mais, nous aussi, nous sommes du nord and nous voulons vivre dans un Mali uni."
Suite au putsch organisé le 22 mars à Bamako par des militaires de bas rang contre le pouvoir d'Amadou Toumani Touré, l’armée malienne a perdu le contrôle du nord du pays au profit des rebelles touareg et d'islamistes radicaux. Depuis, le MNLA a tenté de se distinguer des groupes islamistes ayant pris part à l’opération.
Milices armées
Mais Kalifa Traoré n’en démord pas. "Ce sont des islamistes, ils font partie d’al-Qaïda, insiste-t-il. Ils imposent la charia dans les villes du nord. Je suis musulman, mais je fais la différence entre ma religion et la politique. La politique doit être laïque, c’est ce que veulent les Maliens. Nous ne voulons pas de la charia, cette loi au nom de laquelle on coupe des mains et on lapide des femmes, c’est barbare." Et de poursuivre : "J’appelle la communauté internationale - l’ONU, l’Union européenne, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) - à intervenir militairement dès que possible. C’est urgent, il faut agir vite."
Ce jour-là, au cœur de la capitale malienne, des dizaines de jeunes se sont rassemblés. Moah Amadou Coulibaly, un étudiant de 23 ans, prend la parole. "Pour la libération du Nord-Mali !" crie-t-il, acclamé par la foule. Une fois redescendu d’une estrade improvisée à la hâte, le jeune homme explique son point de vue. "Si les militaires ne peuvent pas se battre, nous le ferons à leur place, affirme-t-il sur un ton grave. Nous venons de former l’Action de la jeunesse pour la libération du Mali et nous voulons affronter les rebelles."
Dans la ville poussiéreuse et humide, nombreux sont ceux qui parlent de prendre les armes contre les rebelles du nord. Plusieurs organisations et associations sont apparues et ont désormais pignon sur rue. Kalifa Traoré ainsi est membre fondateur du Coren, le Collectif des ressortissants du Nord-Mali, un nouveau groupe qui représente des déplacés qui ont fui le nord. "L’un des objectifs du groupe est d’organiser une milice ici, à Bamako, qui pourra être entraînée par l’armée malienne. Nous ne pouvons pas attendre la Cédéao", affirme-t-il en faisant référence à l’organisation des États ouest-africains, qui
examine en ce moment un plan d’action militaire. "Nous appelons nos frères du sud à se joindre à nous", ajoute l'homme.
Kalifa Traoré ne s’inquiète pas du fait que des milices armées pro-gouvernementales puissent diviser encore un peu plus le Mali. "Nous ne nous battrons pas contre notre peuple. Nous nous battrons contre les rebelles, nous aiderons le gouvernement. Nous devons nous battre pour l’unité."