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L'abstention monte, la gauche inquiète

Les Français vont-ils bouder les urnes ? A moins de trois semaines de l'élection présidentielle, l'Ifop révèle que 32 % des électeurs pensent s’abstenir. Un sondage qui réveille de vieux démons dans le camp socialiste.

À J-19 avant le premier tour de l'élection présidentielle, les Français semblent tenter par l’abstention. Selon un sondage Ifop publié par le "Journal du Dimanche" le 1er avril, elle pourrait atteindre 32% lors du premier tour du scrutin, soit trois points de plus que les 29% exprimés à la mi-mars. Une estimation qui, si elle se confirmait, serait un record sous la Ve République (voir schéma). D’autant qu’elle est supérieure aux intention de vote prêtées aux grands candidats. Un sondage Ifop publié mardi 3 avril crédite Nicolas Sarkozy de 29%, François Hollande de 27% et Marine Le Pen de 15,5%.

Si les Français boudent effectivement les urnes le 22 avril, plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix selon les observateurs. Pour Jérôme Fourquet, directeur-adjoint du département opinion de l'Ifop, les électeurs se sentent avant tout désabusés par la politique, qui plus est avec la crise économique et financière. "Ils ne pensent pas que voter pour tel ou tel candidat résoudra leurs problèmes, commente-t-il. Ils ont aussi le sentiment que les décisions des politiciens sont motivées par les intérêts des grands entreprises plutôt que par ceux des Français".

Le déroulement de la campagne est également pointé du doigt. Les Français reprochent aux candidats de parler d’insécurité et d’immigration au lieu d’aborder les grands thèmes qui intéressent les Français, comme le pouvoir d’achat ou la lutte contre le chômage. "Les électeurs n’ont que faire des attaques personnelles entre candidats, commente Stéphane Rozès, politologue et président de Conseils, analyses et perspectives (CAP). Ils attendent que chacun des grands candidats présente son projet pour apporter une réponse à la crise afin de les juger."

Le match Hollande-Sarkozy déjà joué

Pour d’autres électeurs, la campagne ne présente pas d’intérêt car le match entre François Hollande et Nicolas Sarkozy est, selon eux, déjà joué. "Beaucoup pensent que le candidat socialiste va gagner de toute façon, ils sont donc sont peu enclins à se déplacer pour aller voter", poursuit Jérôme Fourquet.

Ce taux élevé d’abstentionnistes ne manque pas d’inquiéter les politiques, et particulièrement le Parti socialiste qui craint de revivre le traumatisme du 21 avril 2002. Ce jour-là, moins de 200 000 voix séparent le candidat socialiste Lionel Jospin, évincé dès le premier tour de la présidentielle, du candidat frontiste Jean-Marie Le Pen qui se hisse au deuxième tour face au candidat RPR Jacques Chirac. Pour ce premier tour, l’abstention dépassait les 28 %.

Jérôme Fourquet confirme que "les partis de gauche, et notamment le Parti socialiste, ont le plus à perdre avec une abstention élevée". "Leur électorat, jeune ou issu des classes populaires, est plutôt volatile", précise-t-il. Et François Hollande l’a bien compris. Depuis La Réunion, le candidat socialiste a lancé le 1er avril un appel contre l'abstention. "Rien n'est joué, a lancé le candidat socialiste, parce que si l'abstention est forte, tous les sondages sont démentis, je dis bien tous."

S'inspirant de la campagne Obama en 2007, le PS mise aussi sur le porte-à-porte . "On a été tous marqués par l'abstention dans les quartiers populaires" lors des dernières élections, relève à l'AFP Vincent Feltesse, chargé de la Web campagne socialiste. L'équipe de François Hollande espère convaincre 5 millions de foyers des quartiers populaires d'aller voter. Or selon le sondage de l'Ifop, seulement 46% des ouvriers ont actuellement l'intention de voter au premier tour.