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Forsane Alizza : agitateurs médiatiques ou antichambre du djihad ?

Parmi les 19 personnes interpellées dans les milieux islamistes radicaux vendredi figure Mohammed Achamlane, leader de Forsane Alizza, un groupuscule dissous en février et connu davantage pour ses actes de provocation que pour des actions violentes.

Vendredi 30 mars au matin, la police française a procédé à dix-neuf arrestations dans les milieux islamistes français. Parmi les personnes arrêtés, plusieurs seraient membres du groupuscule islamiste dissous Forsane Alizza, dont Mohammed Achamlane, considéré comme leur leader.

Fin janvier 2012, Claude Guéant demandait la dissolution du groupe, jugeant "insupportable que dans notre pays un groupement forme des personnes à la lutte armée". Une interdiction effective le 29 février dernier. Dans une interview à l’AFP, Mohammed Achamlane avait alors réfuté les accusations de violence portées contre son mouvement. Fondé en 2010, Forsane Alizza se revendiquait de la mouvance djihadiste et était connu pour ses actes de provocation plutôt que pour ses actions violentes.

Pour Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste des groupes terroristes, "tous les observateurs ont pensé à l’époque que cette dissolution était symbolique". "Il s’agissait d’un groupe, comme on en trouve souvent en Grande-Bretagne, qui s’adressait à des jeunes récemment islamisés", explique Jean-Yves Camus. "Les membres des Cavaliers de la fierté se réclamaient du djihadisme et du salafisme et n’avaient qu’une très faible connaissance de la religion musulmane. C’est un groupe qui a voulu se faire remarquer", poursuit le chercheur.

Des militants adeptes des coups médiatiques

La première action de Forsane Alizza remonte à juin 2010, quand une dizaine de ses membres avaient appelé à boycotter un McDonald's de Limoges, enseigne accusée d'être au service d'Israël, et organisé une manifestation place de la Motte, dans la même ville. Cette action avait valu à Mohammed Achamlane une condamnation en appel à quatre mois de prison avec sursis pour provocation à la discrimination raciale.

Le groupe avait également attiré l'attention des médias en organisant un rassemblent devant le tribunal de Meaux où des femmes voilées étaient appelées à comparaître, ou encore en brûlant des exemplaires du code civil, estimant que celui-ci "ne protège pas les musulmans". En septembre enfin, ils perturbaient le premier office du vendredi tenu dans l’ancienne caserne de pompiers du 18e arrondissement de Paris transformée en mosquée après la décision du ministère de l'Intérieur d’interdire les prières sur la chaussée.

"Contrairement aux réseaux de type al-Qaïda, le groupe Forsane Alizza avait pour principal but de faire parler de lui", affirme Jean-Yves Camus, précisant qu’il a eu l’occasion de les observer, notamment devant le Théâtre de la Ville à Paris face à des extrémistes chrétiens qui étaient venus protester contre une pièce de théâtre.

"Je les ai vus de mes yeux : ils ne cherchaient pas à se cacher mais bien au contraire à être filmés et photographiés le plus possible", dit-il. "Ils portaient à cette occasion l’habit afghan". Le chercheur ajoute que ces hommes ont également pour spécificité de filmer leurs rassemblements et de poster leurs films sur le Web. On peut y voir ses militants brandir des drapeaux islamistes en criant des slogans radicaux.

Jean-Yves Camus précise que Forsane Alizza était un groupe "jusqu’à présent resté loin des actions terroristes". Mais selon Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, le coup de filet réalisé vendredi matin a conduit à la saisie d'armes, notamment des kalachnikov. Ce serait en particulier le cas sur le lieu de l'interpellation de Mohammed Achamlane, a affirmé une source policière.

La lutte armée en ligne de mire

Sur leur site internet, fermé depuis, "Les Cavaliers de la fierté" avaient écrit : "Notre organisation prend de l'ampleur et nous avons besoin de main d'oeuvre fissabililah (ndlr : "sur le chemin d'Allah"). Nous recherchons toutes sortes de compétences mais surtout des soldats !", pouvait-on lire. "Donc si vous appréciez les sports de combat et êtes capables d'intervenir rapidement lorsque l'on vous sollicitera, alors votre profil nous correspond, inch'allah."

S’il ne prône jamais officiellement la violence, Mohammed Achamlane, Français d'origine maghrébine, laisse planer la menace. Lors de la dissolution du groupe, il affirmait qu’il n’excluait plus la lutte armée "si l’islamophobie s’intensifie de jour en jour". Dans une conférence de presse tenue devant la mosquée Omar, rue Jean-Pierre Timbaud à Paris, il déclarait devant les caméras : "Notre révolte va se traduire par des actes (...) nous sommes des soldats de la foi. (...) Nous nous préparons physiquement pour d'éventuelles agressions, nous ne le cachons pas." Avant d'ajouter: "Il se pourrait qu’un jour ça arrive. À force de stimuler la haine contre les musulmans, c’est automatique."

Dans une récente note des services de renseignement portée à la connaissance du Figaro, les analystes du ministère de l’Intérieur affirmaient que le groupe Forsane Alizza "entretient des relations constantes avec des mouvements islamistes implantés à l'étranger ou des personnes impliquées dans des actes de terrorisme". Selon cette même source, par sa forme et son organisation, Forsane Alizza présentait le caractère de groupe de combat ou de milice privée : "le groupuscule offre à ses membres les plus actifs des entraînements au close-combat", au "tir au paintball avec simulation de prises d'otages", et un "endoctrinement religieux" de ses adeptes.