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Fusillade à Toulouse : le récit de l'enquête

, envoyée spéciale à Toulouse – Près de 200 enquêteurs ont été mobilisés pour remonter jusqu'à la piste de Mohammed Merah,soupçonné d'avoir tué sept personnes en neuf jours dans la région de Toulouse. Retour sur la traque de l'ennemi numéro un.

Mohamed Merah est mort jeudi 22 mars vers 11h30 après dix jours de traque sans relâche. Il aura néanmoins fallu neuf jours pour identifier "le tueur au scooter" qui a assassiné sept personnes depuis le 11 mars dans la région toulousaine. Lors d'une conférence de presse le mercredi 21 mars, le procureur de Paris, François Molins, parle "d'un travail colossal de vérification" afin de remonter la piste de Mohamed Merah, l'auteur présumé de ces trois attaques. Les 200 enquêteurs qui ont travaillé sur l'affaire ont épluché pas moins de 7 millions de données téléphoniques, 700 connexions Internet, 350 scellés, 200 auditions et 1000 procès-verbaux pour l'identifier.

L'enquête débute le 11 mars à Toulouse après le meurtre du parachutiste Imad Ibn Ziaten, 30 ans, qui est abattu d'une balle en pleine tête vers 16 heures. Le meurtrier s'enfuit sur son deux-roues sous les yeux de témoins. "Une piste révèle que le militaire a déposé une annonce pour vendre sa moto sur le site Internet de petites annonces d'occasion LeBonCoin", explique le procureur de la République de Paris.

Cet élément va être déterminant dans la suite de l'affaire, qui, à ce stade, est prise en charge par le procureur de Toulouse, Michel Valet. "576 adresses IP se sont connectées à cette annonce, dont celle de l'ordinateur de Madame Aziri, mère de cinq enfants, dont Mohamed Merah, 23 ans, et son frère Abdelkader, 27 ans." Les deux hommes s'avèrent être connus des services de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). "Abdelkader avait été inquiété en 2007 pour sa participation dans une filière djihadiste", ajoute François Molins. Mohamed Merah est, pour sa part, fiché pour avoir effectué deux voyages en Afghanistan et au Pakistan.

Témoignage-clé d'un concessionnaire

Le 15 mars, deux parachutistes en uniforme sont tués à 14h10 en pleine rue à Montauban, près de leur caserne du 17e Régiment du génie parachutiste, par un homme en noir, casqué et conduisant un scooter sombre de très grosse cylindrée. Quatre jours plus tard, vers 8 heures, un homme casqué opérant à scooter, muni d'une caméra pour filmer ses actes, tue un enseignant de 30 ans, ses deux fils ainsi qu'une fillette du collège juif Ozar Hatorah dans un quartier résidentiel de Toulouse. Il utilise un pistolet-mitrailleur, qui s'enraye, puis une arme de calibre 11,43.

Ces deux attaques suivantes n'auraient pas pu être évitées, souligne le procureur, car la piste Merah n’est devenue sérieuse qu’à partir du lundi 19 mars. La section anti-terroriste de Paris est alors saisie de l'affaire et ouvre trois enquêtes pour "assassinats" et "tentatives d'assassinat". Les enquêteurs affirment dans la soirée de lundi que la même arme a été utilisée pour les trois attaques, ainsi que le scooter de type T-MAX de marque Yamaha.

L'enquête s'accélère à parti du mardi 20 mars, avec le témoignage d'un concessionnaire de la région qui est surpris de recevoir la visite d'un homme demandant comment désactiver le tracker placé sur un scooter du modèle spécifiquement recherché.Il s'agit d'Abdelkader Merah. "C'est un vrai tournant car le concessionnaire nous a permis de les identifier. Mohamed Merah se rendait chez lui depuis plusieurs années". Le jeune frère de 23 ans est finalement localisé mardi après-midi du côté de la Côte Pavée, dans l'est de Toulouse. Son frère, lui, se trouve dans le quartier de Hautes Rives.

Zones d'ombre

L'opération du Raid est décidée le mardi soir. Dès 23h30, la mère de Mohamed est interpellée à son domicile dans le quartier du Mirail. Son frère ainsi qu'une amie sont également placés en garde à vue. "Les arrestations ont eu lieu sans aucune résistance", précise le procureur. Puis dans la nuit, à 3h20, des hommes du Raid tentent de déloger Mohamed Merah de son appartement de la rue du Sergent-Vigné. Commence alors un siège qui durera plus de 30 heures au terme desquelles le tueur présumé sera abattu lors de l'assaut final.

De nombreux élements de l'enquête restent pourtant à éclaircir, comme la caméra que Mohamed Merah avait sanglée autour de lui lors du drame du collège Ozar-Hatorah puis confiée à l’une de ses connaissances. Aujourd'hui entre les mains des enquêteurs, le procureur précise que "l'usage exact des ces images restent à déterminer", ainsi que la provenance des nombreuses armes que possèdait Mohamed Merah.